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Miarahaba anao aho,

Voilà un dernier…  petit tour et puis s’en vont… Après le massif de l’Andringitra, nous faisons un petit crochet par l’Est de l’île pour prendre la fameuse ligne ferroviaire qui relie Fianarantsoa à Manakara: l’océan est au bout des rails ! C’est le seul train voyageur (le fameux FCE, Fianarantsoa-Côte Est) qui existe à Madagascar, et cette ligne est en activité depuis 1936. Elle transporte chaque année 150 000 voyageurs et 15 000 tonnes de marchandises. Dans cette région très enclavée et qui n’a pas d’autres voies de communications pour faire du commerce; c’est un poumon économique essentiel. Entamée en 1926, pour les besoins de la colonisation, la construction de la ligne s’est achevée dix ans plus tard, reliant ainsi la ville de Fianarantsoa à la ville côtière de Manakara, et ce qui permit d’acheminer les richesses du pays vers la mer, pour les emmener en Europe. Les travaux de ses 67 ponts mais surtout le creusement de ses 48 tunnels ont mobilisé les efforts de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, les effondrements et de nombreux autres accidents de chantier ont coûté la vie à au moins 5000 ouvriers, certains avancent même le chiffre de 10.000 morts, ce qui explique en partie, l’attachement  féroce des riverains à leur train. Le plus long des 48 tunnels de la ligne atteint 1072 mètre. Dans les ouvrages d’art  les plus longs, les passagers se retrouvent alors plongés dans le noir le plus complet, les voitures n’étant plus équipées de système d’éclairage.

Paysages boisés

Dix heures de trajet en TGV (Train à Grandes Vibrations) pour parcourir un peu moins de170 kms, en s’arrêtant à 18 gares (plus quelques arrêts supplémentaires  à « la demande »). Le train arrive en gare de Fianarantsoa, alors prêts pour le voyage ? Coup de sifflet réglementaire, Let’s go, « tacatac… tacatac… tacatac », la motrice tressaute… « tacatac… tacatac… tacatac », les wagons lui emboîtent  le pas… Outre les paysages magnifiques croisés pendant le trajet (superbes paysages boisés, des plantations de thés, des forêts de bananiers, de palmiers, d’arbres du voyageur, caféiers), il y a surtout la rencontre avec la population toujours aussi attachante et chaleureuse se trouvant sur cette ligne ferroviaire. Tout au long du voyage les habitants proposent  leurs produits locaux… Te-hisakafo ve ianao ? (Est-ce que vous avez faim ?)… A chaque arrêt en gare, les villageois accourent dès l’arrivée du train pour venir vendre des bananes, boulettes de viande, sambos (samosas), saucisses de zébu grillées, beignets… Le train repart et le voyage continue à une allure des plus paisibles, au moins 35 km/h en vitesse de pointe … « tacatac… tacatac… tacatac » … on aperçoit quelques villages entre les gares de Ionilahy et Mahabako avant un nouvel arrêt en gare. Une multitude de vendeurs se précipite aux fenêtres pour proposer des écrevisses, des croquettes de manioc, des pommes cannelle, des fruits du jacquier, des gousses de vanille, ou encore des grains de poivre… Bon après un tel trajet, Voky aho (J’ai assez mangé).

Gare de Fenoby

Gare de Fenoby

Les enfants, sont attirés par les quelques touristes « Vazaha »  du wagon de 1ère classe. Quelques généreux « vazaha » s’empressent de distribuer avec – trop – de largesses un stylo ou un bonbon provoquant une bagarre, tellement prévisible ! « Ce n’est pas bon d’apprendre à mendier aux enfants« … pourtant le guide de ce groupe de « vazaha » avait bien passé la consigne mais bon… comme chantait Brassens « quand on est con, on est con « . L’attente dans les gares est rythmée en fonction des marchandises chargées ou déchargées. On décharge les biens de consommation venus de la ville avant d’emplir à nouveau les wagons de café, bananes et autres denrées. Le train est vital pour les paysans de ces terres afin d’acheminer leur production vers les villes. Chacun s’en retourne alors chez lui, chargé de son barda, jusqu’au prochain passage du train. C’est au rythme de six convois par semaine que les villageois vendent leurs produits, tout le monde a le même problème de survie et tous comptent bien sur le train pour s’en sortir.) !

Aux râleurs invétérés pour qui un train accusant 10 minutes de retard est inadmissible, le FCE n’est pas pour vous. S’il part plus ou moins à l’heure de Fianarantsoa, il arrive quand il peut arriver ! Sur le papier, le trajet dure entre  8 et 10h mais en fonction de la quantité de marchandises à charger et décharger, des manoeuvres pour déposer un wagon dans une gare, de la locomotive qui patine dans les côtes quand il pleut (la pente atteint par endroits 3,6%, un record du monde) et des pannes éventuelles dues à la vétusté du matériel et au triste état de la voie… on est déjà très content d’arriver à Manakara. Juste avant d’y arriver, une dernière curiosité: la ligne de chemin de fer traverse les pistes de l’aéroport (gloups)… inattendu et surprenant. L’histoire ne dit pas si la tour de contrôle signale ou non au train s’il peut traverser la piste ! Heureusement, les avions se font plus que rares sur cette piste. Allez, une dernière vue du train avant de descendre en gare de Manakara. Je vous laisse méditer les paroles de Grand Corps Malade « Il parait que les voyages en train finissent mal en général / Si pour toi c’est le cas accroche toi et garde le moral / Car une chose est certaine y’aura toujours un terminus / Maintenant tu es prévenu la prochaine fois tu prendras le bus » (Les voyages train)

Canal des Pangalanes

Canal des Pangalanes

A Manakara, changement de moyen de transport… nous partons à a découverte du Canal des Pangalanes, non pas en bus mais en pirogue. Autrefois, le Canal des Pangalanes était constitué d’un cordon de lagons peu profonds, alimentés en eau douce par les innombrables cours d’eau et abrités de la mer derrière une ligne de dunes côtières. En 1896, le Général Galliéni décréta la construction du canal pour faciliter le transport des marchandises et exercer un contrôle administratif et militaire sur toute la région. Aujourd’hui, de Tamatave à Farafangana, le canal s’étire le long de la côte sur 660 kms, tantôt sous forme de lac, tantôt en un canal étroit. On pourrait décrire le Canal des Pangalanes comme un miroir aquatique jonché « d’oreilles d’éléphant« , parcouru par de silencieuses pirogues en bois d’Eucalyptus (car elles ne vont pas à l’océan) ; on y croise aussi des chalands de marchandises, une femme pêchant en eau saumâtre avec une moustiquaire, des enfants posant des casiers pour la capture des petits crabes qui serviront d’appât pour la pêche, les maisons sur pilotis des villages de pêcheurs.

Canal des Pangalanes

Canal des Pangalanes

On débarque le temps d’une visite d’une fabrique artisanale d’huiles essentielles: on se laisse rapidement enivrer par les senteurs de saro, de katrafay, de niaouli, d’iary ou encore d’issa. En se baladant dans la plantation on passe à côté de nepenthes (fleur carnivore… pour ceux qui seraient inquiets, je vous rassure, c’est un happy end pour le petit lézard: il s’en est sorti sain et sauf), d’ananas sauvage (d’une belle couleur rouge)… ou encore de clous de girofle.

Soava tsàra.

 

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