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La Namibie est une merveille pour tous ceux qui ont soif d’horizons sauvages… Impensable de venir ici sans réaliser un safari ! Le parc national d’Etosha fait partie des meilleurs endroits où observer les animaux sauvages, et ce en toute liberté puisqu’on peut s’y rendre avec son propre véhicule. Créé en 1907, le parc d’Etosha en Namibie, est l’une des réserves animalières les plus singulières de la planète. D’une superficie de 22 935 km², le parc se situe à 400 kilomètres au nord de la capitale namibienne Windhoek. L’Etosha pan, une immense cuvette de sel est l’image emblématique du parc bien que le paysage soit beaucoup plus varié que cela. Imaginez d’immenses plaines aux herbes dorées, traversées par des troupeaux de zèbres et de gnous se déplaçant lentement; visualisez des forêts de mopanes, des points d’eau ombragés, une forêt hantée, un désert salin à perte de vue, des paysages de savane et une impressionnante concentration d’animaux: bienvenue dans le mythique parc national d’Etosha !

Dans le parc national d’Etosha, l'Etosha pan est constitué de monticules d’argile et de sel. La croûte gris-blanc scintillante de cristaux de sel s’étend à perte de vue

 

Le Pan d’Etosha ne manque pas de sel !

Dans le parc national d’Etosha, seule la partie située au sud de l’Etosha pan, un lac salé asséché de plus de 4800 km2 est accessible aux visiteurs. Le pan d’Etosha et sa région furent découverts par les explorateurs suédois Charles Andersson et britannique Francis Galton en 1851 accompagnés de membres de la tribu Ovambo. Dans le langage de la tribu Ovambo, Etosha signifie « grand endroit blanc ». Pendant la saison humide, le plus grand marais salant d’Afrique se remplit d’eau, créant ainsi une oasis verdoyante qui attire les flamants roses et les grues couronnées. Pendant la saison sèche, le soleil se reflète sur les monticules d’argile et de sel, créant de nombreux mirages et un décor surréaliste, décor que l’on aperçoit notamment dans le film « 2001 : l ‘Odyssée de l’espace ». Si l’on fixe la ligne d’horizon du pan, yeux plissés, concentré à l’extrême… aussi loin que porte notre regard on ne voit que du vide ! La croûte gris-blanc scintillante de cristaux de sel s’étend à perte de vue. Même ce magnifique rollier à gorge lilas perché sur sa branche, ne voit rien venir telle sœur Anne…

« Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Et soeur Anne lui répondait: « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie »

La Barbe Bleue- Les Contes de Charles Perrault

De temps en temps, un gnou ou une autruche se matérialise sur la ligne d’horizon qui n’est souvent interrompue que par des tourbillons de poussière. Heureusement pour le rollier, dans ce vaste espace ouvert, les prédateurs peuvent aussi être vus de loin !

Si la formation géologique de ce lac salé asséché est bien connue des scientifiques (érosion, dépôts, soulèvement isostatique etc.) et remonte à quelques millions d’années, je vais mettre un peu de sel dans le récit en vous racontant la version locale de la formation de l’Etosha pan. Une légende San raconte que lors d’un raid sur un village, tous les habitants furent massacrés à l’exception des femmes qui furent épargnées. Une des femmes du village, totalement bouleversée par la mort de sa famille, pleura et pleura encore toutes les larmes de son corps. Ses larmes finirent par former un lac immense… Et lorsque ce lac s’assécha, il ne resta plus qu’une énorme dépression blanche. Alors, cette histoire ne manque pas de sel, non ?

Près de l'Etosha pan, un rollier à gorge lilas prend la pause sur une branche. Il est reconnaissable à son magnifique plumage bleu et jaune. Ses ailes sont tout en nuances de bleus.

 

Le parc national d’Etosha: Du côté de chez Mopane…

Comme l’a écrit Marcel Proust dans « La Prisonnière » en 1925,

«  Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre »

Le parc d’Etosha est certes un sanctuaire animalier de premier ordre mais qu’a-t-il d’autre à offrir au voyageur qui saura l’observer d’un œil neuf ? Au delà de sa riche faune, le parc recèle une flore exceptionnelle. La végétation du parc national d’Etosha varie de la savane parsemée d’acacias solitaires et de prairies immenses aux forêts de mopanes ou « Omusati » dans une langue locale. Le mopane pousse en très grand nombre, à tel point que dans certaines plaines on peut parler de savane à mopane. La taille du mopane varie fortement, d’un petit buisson à un arbre de plus 15 mètres de hauteur. Cet arbre(Colophospermum mopane) s’identifie aisément par ses feuilles en forme d’ailes de papillons ou de sabots fendus (à chacun son image). Les feuilles de mopane dégagent une odeur d’essence de térébenthine: ah, vous sentez cette petite odeur de pin qui flotte dans l’air ? Elles sont riches en phosphore et en protéines et constituent l’un des aliments préférés des éléphants. Son bois imputrescible est résistant aux termites et sert notamment aux constructions de huttes et de palissades. Il se révèle aussi un excellent combustible. Quant aux graines, elles sont comprimées pour produire des huiles essentielles ou broyées pour obtenir du talc ou simplement transformées en perles. Rien ne se perd, tout se transforme dans le mopane ! On utilise aussi les résines de l’écorce comme vernis ou comme colle alors que d’autres parties de l’arbre sont utilisées comme remèdes médicinaux (indigestion, calculs rénaux, inflammations des yeux et autres maladies: le mopane vous soigne !).

La végétation du parc national d'Etosha est constituée de savane parsemée d’acacias solitaires (notamment des acacias faux-gommier) et de prairies immenses.

Dans le mopane, tout est bon… y compris les vers mopane. Ouvrons donc notre chapitre sur la gastronomie locale ! Le Madora (Gonimbrasia belina) est une espèce de papillon de nuit…

« Comme un papillon de … / Comme un papillon de … / Comme un papillon de nuit / Comme une étoile amarante / Comme un papillon de nuit / J’oublie le temps qui me reste / Attirée par l’infini »
Papillon de nuit – France Gall

Les chenilles du Madora (ou mopani) se développent en se nourrissant principalement des feuilles de mopane. Ces grandes (jusqu’à 7 centimètres) chenilles colorées et poilues, sont comestibles et constituent une importante source de protéines pour des millions de sud africains. Consommés secs, prêts à être mangés comme des crackers d’apéritif (miam, miam…), ces vers peuvent aussi être cuisinés. Si vous êtes tentés par un peu d’exotisme culinaire, ils sont souvent préparés de la plus simple des façons: grillés et accompagnés de légumes verts ! Je vous souhaite un bon appétit…

 

La forêt hantée de Moringa

L’autre curiosité botanique du parc est le moringa africain (Moringa ovalifolia) ou arbre fantôme. Il existe une zone spécialement clôturée, à environ 30 kilomètres à l’ouest d’Okaukuejo (camp et centre administratif d’Etosha), appelée la forêt hantée de Moringa (Sprokies-woud). Ces arbres aux formes étranges sont souvent confondus avec des baobabs mais ils ne sont pourtant pas apparentés au genre Adansonia. Le nom commun en afrikaans est « spekboom » ou « bacon tree », nom qui fait probablement référence à la couleur blanc-violet du tronc. Le nom local de « meelsakboom » ou « arbre à farine en sac » tire quant à lui son origine de la base renflée du tronc qui ressemble à un gros sac. Concernant l’apparence étrange et parfois grotesque des arbres mopane, une légende San raconte qu’après avoir réparti les animaux et les plantes sur terre, Dieu retrouva les arbres moringa oubliés dans un coin. Il les lança en vrac et ils retombèrent sur terre, les racines pointées vers le ciel et demeurèrent ainsi…

L’autre curiosité botanique du parc d’Etosha est le moringa africain ou arbre fantôme. Cet arbre aux formes étranges est souvent confondu avec un baobab.

Ces plantes succulentes au tronc lisse renflé sont très appréciés des éléphants du parc et beaucoup ont été détruites par les pachydermes. Heureusement, il reste quelques specimens sur lesquels peut venir se percher une crécerelle aux yeux blancs reconnaissable à son plumage roux pâle. Cet oiseau qui appartient à la famille des Falconidés, semble prêt pour la chasse. Perché sur la plus haute branche, il a une vue à 360° sur les environs.

Enfin, on ne pouvait terminer ce tour botanique du parc sans évoquer Terminalia prunioides, un arbuste ou un arbre pouvant atteindre 15 mètres de hauteur. Les feuilles sont groupées sur de courtes branches et les fruits, d’environ 5 centimètres de long, sont de couleur violette. L’écorce et les racines servent à la préparation de remèdes contre la toux, les maux de gorge et les crampes d’estomac. La croyance locale confère à cette espèce des pouvoirs de guérisons spéciaux: elle est donc couramment utilisée lors de rituels par les peuples Héréro et Himba.

Les points d’eau d’Etosha sont sans aucun doute les endroits du parc les plus fréquentés par les animaux. La diversité des espèces buvant en même temps est vraiment très surprenante.

 

L’observation des animaux aux points d’eau

Les points d’eau d’Etosha sont sans aucun doute les endroits du parc les plus fréquentés par les animaux. En hiver, lorsque les eaux de surface sont épuisées, le parc d’Etosha devient un zoo géant avec des milliers d’animaux à la recherche d’eau qui se rassemblent autour des points d’eau permanents. En période sèche, les modes de vie, les rites et les habitudes des animaux changent: le point d’eau devient le centre d’attraction et attire du monde, beaucoup de monde… C’est un peu comme Times Square à New York ou les Champs Elysées à Paris: tôt ou tard, tout le monde à des kilomètres à la ronde se retrouve à cet endroit précis ! Et contre toute attente, proies et prédateurs semblent enterrer la hache de guerre quand il s’agit de s’abreuver.

« Il passait de longues heures à contempler les fauves, surtout les lions et les hyènes qui venaient s’y abreuver par petits groupes. Ces puissants carnassiers, qui étaient d’ordinaire des ennemis mortels, observaient une trêve le temps d’étancher leur soif. Dans le règne animal, l’eau générait la paix ».
A l’heure où dorment les fauves de Jean-Baptiste Bester

La beauté d’un point d’eau est la même que lorsque vous vous lancez dans un safari: on ne sait jamais à quoi s’attendre d’une minute à l’autre ! Il y a soudain cet instant magique où l’on assiste à l’étrange ballet des animaux, qui viennent en nombre s’abreuver. Puisque chaque animal a besoin d’eau, les allers-retours aux points d’eau sont incessants. Les règles de circulation sont simples: le plus fort a toujours le droit de passage… Cependant la diversité des espèces buvant en même temps est vraiment très surprenante.

L’éléphant s'ébat et joue dans l’eau boueuse d’un point d’eau permanent. Sa trompe peut capter en une seule fois près de 10 litres d’eau

 

Le rituel des animaux sauvages aux point d’eau

Les phacochères se vautrent dans la boue, tandis que les éléphants s’ébattent et jouent dans l’eau boueuse d’un point d’eau permanent. L’éléphant est sans doute l’animal le mieux équipé pour accueillir l’eau avec son imposante trompe ! Sa trompe peut capter en une seule fois près de 10 litres d’eau. Même s’il a un besoin gigantesque d’eau pouvant aller jusqu’à 140 litres par jour, l’éléphant peut s’en passer durant trois à quatre jours si nécessaire. Ce pachyderme est vraiment très impressionnant et il dégage une puissance incroyable: regardez ces pattes, les plus grandes au monde, si massives et robustes. Elles peuvent soutenir une marche jusqu’à une vitesse de 20 km/h car, oui, l’éléphant ne sait ni courir, ni galoper: il marche ! Les éléphants continuent à s’abreuver sous nos yeux, s’offrant une douche à la trompe, s’ébrouant dans l’eau et s’aspergeant de boue avec lenteur. Cela nous laisse le temps d’observer ces animaux sans défense (ou avec deux) face à l’objectif de notre appareil photo. L’un d’entre eux prend même le temps d’une pause photogénique digne d’un spectacle de cirque, avant de repartir tranquillement.

Les zèbres se rassemblent en famille autour des points d’eau. Ici on dénombre cinq zèbres buvant simultanément

Si l’éléphant peut rester plusieurs jours sans boire, ce n’est en aucun cas possible pour le zèbre qui doit boire au moins une fois par jour. Les zèbres se rassemblent en famille autour des points d’eau et c’est généralement la femelle qui prend les devants de la queue-leu-leu pour accéder aux points d’eau.

Les animaux se succèdent encore et encore pour venir s’abreuver. Les antilopes dont sa majesté l’oryx se partagent l’espace avec un troupeau de girafes. La girafe justement, transpire peu, du fait de son grand corps qui permet une meilleure ventilation de la chaleur. Elle résiste extrêmement bien aux effets de la chaleur de la savane en trouvant l’eau dont elle a besoin dans les feuilles d’acacias, les fleurs et les fruits qu’elle trouve sur son chemin. De ce fait, elle peut rester jusqu’à un mois sans boire. Mais lorsque dame girafe se rend à un point d’eau pour se désaltérer, elle doit abaisser sa tête de près de cinq mètres, ce qui la rend extrêmement vulnérable… Les excursions aux points d’eau sont donc de courte durée et les girafes adultes surveillent avec attention les alentours pour éviter toute attaque de prédateurs vis à vis des petits girafons.

Un trio d’autruches s’avance vers le point d’eau en marchant. Avec un poids adulte, qui varie de 90 à 156 kg en fonction du sexe, l’autruche ne vole pas mais court très vite

Enfin, la variété des oiseaux qui fréquente ce Time square de la savane est incroyable. On apprécie l’observation des volatiles autour du point d’eau notamment en fin d’après-midi, car la lumière dorée colore avec douceur l’environnement, ce qui rend l’instant magique. Une outarde kori fait son apparition au milieu d’un troupeau de zèbres. Cet oiseau de très grande taille au cou allongé et aux très longues pattes recherche sa nourriture à terre en marchant lentement. Cependant, si les outarde koris s’estiment en danger, elles peuvent décoller et voler sur de longues distances. Comme certains mâles atteignent parfois le poids incroyable d’une vingtaine de kilos, cette espèce est indiscutablement l’oiseau volant le plus lourd du monde ! Une outarde pouvant en cacher une autre, ne serait-ce pas une outarde à miroir blanc que l’on aperçoit au milieu des herbes sèches de la savane ? Mais un autre piaf de la catégorie poids lourd s’approche déjà… avec un poids adulte, qui varie de 90 à 156 kg en fonction du sexe. C’est un oiseau qui ne vole pas mais qui court très vite: un trio d’autruches s’avance A… A… A… A la queue leu leu, A… A… A… A la queue leu leu vers le point d’eau.

Le calao à bec rouge a la tête et les parties inférieures blanchâtres. Son bec est incurvé vers le bas, d’une couleur rouge orangé typique

On assiste à un véritable spectacle où les artistes de la faune namibienne font leur show tour à tour. On apprécie sans modération les nombreuses espèces d’oiseaux qui vont boire, se baigner ou pêcher. Avec son gloussement caractéristique « kok-kok-kok-kokok-kokok-koko », on reconnaît le calao à bec rouge avant même d’apercevoir son bec recourbé rouge flamboyant ! Et là, ne serait-ce pas un magnifique aigle ravisseur ? Sachant que leur régime, presque exclusivement carnivore, se compose de petits mammifères (des rongeurs) et d’oiseaux (du gibier à plumes), je serais à la place des écureuils et des pintades de Numidie du coin, je prendrais mes jambes à mon cou !  Vatear ! (Au secours en langue Herero).

 

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