Le Dakota du Sud est un état imprégné de culture indienne et des collines arborées des Black Hills mais il renferme aussi d’autres surprises: les reliefs déchiquetés du Parc National des Badlands, le Mont Rushmore et ses sculptures monumentales, ou la ville de Sturgis et son grand rassemblement annuel de motards. A environ 100 kilomètres au sud-est de Rapid City se trouve une bande de terrain d’allure désertique, absolument dépourvue d’arbres: le Parc National des Badlands. La route tout en ligne droite depuis Rapid City semble infinie avec de vastes prairies de part et d’autre: c’est un peu comme voguer au milieu d’un océan de verdure… une atmosphère presque magique ! On comprend mieux pourquoi l’auteur L. Frank Baum, qui a vécu à Aberdeen, s’est laissé influencer par les champs interminables de cet état du Midwest pour les descriptions du Kansas dans son Magicien d’Oz… Puis soudain, c’est une rupture totale avec le décor verdoyant: une bande rocheuse dénudée et abrupte se dresse, un mur aux formes ciselées apparaît au beau milieu des plaines… les Badlands. Quelques mélomanes se souviendront peut-être que le boss Bruce Springteen a nommé l’une de ses chansons ainsi: Badlands, you gotta live it everyday / Let the broken hearts stand / As the price you’ve gotta pay / We’ll keep pushin’ till it’s understood / And these badlands start treating us good (Badlands – Bruce Springteen)… Musique à fond, c’est parti pour la visite !
Cet endroit étrange a été créé en 1939 avec le statut de National Monument, puis il est devenu Parc National en 1978. Avec un tel nom, le voyageur est en droit de se demander ce qui l’attend… Badlands signifiant « mauvaises terres » ou « Mako Sitcha » pour les Sioux. Au 19ème siècle, un pionnier écrivait déjà « pas de bois, pas d’eau, pas de pierre, rien ici pour s’installer »… Et le climat est à la mesure du décor: extrême, avec des étés cuisants et des hivers glaciaux. Alors, il est légitime de se demander: pourquoi créer un tel parc ici ? Tout d’abord, il faut avouer que son nom ne rend pas justice à ce paysage extraordinaire: Dame Nature a fait un travail remarquable ! La beauté de ces paysages tourmentés s’étale sur une superficie de plus de 980 km². Le long de Cliff Shelf Nature Trail et de Door Trail, on est surpris par les ravins en dents de scie et les crêtes fantastisques qui font penser à des flèches de cathédrales ou à des châteaux de contes de fées. A Yellow Mounds, on est littéralement submergé d’émotion devant ce paysage aux couleurs subtiles et changeantes: les collines offrent un kaléidoscope de couleurs étranges et chatoyantes: rose pâle, jaune et gris clair. Puis le décor se transforme et l’on découvre au-delà d’une enième butte, de vastes prairies qui filent vers l’horizon où broutent tranquillement des troupeaux de bisons ou de cerfs. Vous l’aurez compris, ces « mauvaises » terres recèlent une collection de paysages qui éveilleront vos sens. L’autre attrait de ce parc est sa richesse incontestable en fossiles et vestiges paléontologiques. C’est un des plus grands gisements au monde de fossiles d’époque Oligocène, vieux de 34 à 23 millions d’années que l’on peut découvrir en marchant le long du Fossil Exhibit Trail ! Tout le monde peut acquérir un peu de connaissance sur ce monde perdu de mammifères préhistoriques, même si on n’y connait rien en paléontologie…
Si vous faite une escapade dans le Dakota du Sud, c’est probablement pour y visiter le mémorial du Mont Rushmore, bien sûr. Le slogan officiel de l’état ne ment pas: « Great Faces. Great Places » ! Situé près de la ville de Keystone, le Mont Rushmore (baptisé « Six grands-pères » par les indiens Lakota) porte le nom de l’avocat new-yorkais Charles E. Rushmore. Il fut érigé à la mémoire de quatre des plus grands présidents de l’histoire des Etats-Unis. Les bustes ou les visages sont sculptés dans le granit sur une surface totale de 5,17 km2. De gauche à droite lorsque l’on fait face à la paroi rocheuse, on reconnaît fier et droit, George Washington (père de la nation et défenseur de l’indépendance; président en 1789), suivi de Thomas Jefferson (principal rédacteur de la déclaration d’indépendance; président en 1801), Theodore Roosevelt (représentant le Développement économique des Etats-Unis et artisan majeur de la création des Parcs Nationaux; président en 1901) et Abraham Lincoln (considéré comme le sauveur de l’Union et l’un des artisans de l’abolition de l’esclavage; président en 1861). Si vous n’arrivez pas à retenir l’ordre de ces sculptures monumentales hautes de 18 mètres, sortez quelques dollars de votre poche et rangez-les par ordre croissant: George Washington figure sur les billets de 1 dollar, Thomas Jefferson figure sur les billets de 2 dollars, et Abraham Lincoln figure sur les billets de 5 dollars… il ne vous reste qu’à placer Theodore Roosevelt entre le 2 et le 5 !
Que vous soyez cinéphile ou musicophile (personne n’a oublié la pochette du disque In Rock où le visage des cinq musiciens de Deep Purple remplaçe celui des quatre présidents) vous avez forcément déjà vu le Mont Rushmore ! Côté cinéma, il a notamment été immortalisé par Alfred Hitchcock dans « La Mort aux Trousses » (1959) même si en réalité la majeure partie a été tournée en studio et les détails des sculptures ont été reconstitués. En effet, si Alfred Hitchcock a d’abord obtenu un accord de principe des autorités fédérales, quelques fonctionnaires zélés se rétractèrent à la lecture du scénario pour cause de « profanation » flagrante ! Finalement, Hitchcock fut autorisé à utiliser l’image de ce « sanctuaire » de la Démocratie sous certaines conditions: l’utilisation de maquettes et des contraintes strictes concernant les cadrages… Malgré ces démêlés avec le pouvoir fédéral, cette scène du film reste un moment d’anthologie. Personne n’a oublié la scène de poursuite où Thornhill (Cary Grant) et Eve Kendall (Eva Marie Saint) tentent d’échapper à des hommes armés en faisant de la varappe (Eve avec son sac à main et ses gants… élégance oblige ! ) le long des sculptures des présidents américains… Aujourd’hui, je n’ai pas les sbires de Vandamm (James Mason) à mes trousses… Quoique… j’ai la vague impression d’être espionnée depuis l’arrivée sur le site… Je prête l’oreille au bruissement des branches suspendues. Est-ce le vent ? Comment cela se pourrait-il ? Le vent ne produit pas un son pareil. Celui-ci se rapproche de plus en plus et devient plus distinct… des bruits de pas sur de la neige durcie ! M’arrachant à la contemplation des visages gravés dans la roche, je redresse la tête et scrute attentivement le paysage environnant. En contrebas, Oreamnos americanus (plus communément appelée chèvre de montagne) en tenue de camouflage, déambule tranquillement dans les pins ponderosa, escaladant par endroits les rochers. Personnellement je ne tenterai pas le pari d’une course poursuite ou de varappe jusqu’au nez de Georges Washington avec elle ! Il parait que le célèbre alpiniste Maurice Herzog a pleuré devant une chèvre, un jour… Pleuré de honte. Ces « crazy goats » ont une maîtrise parfaite de leur centre de gravité, et des sabots qui accrochent, ce qui lui permer d’escalader avec aisance les corniches et les hautes falaises. Cet animal étonnant ferait passer le plus chevronné des alpinistes pour un amateur ! C’est donc sans hâte et sans chèvre à mes trousses que j’ai marché sur le Presidential Trail, un chemin balisé et ponctué de longs escaliers qui parcourt la forêt de pins, escaladant par endroits la falaise pour vous offrir des perspectives surprenantes sur les sculptures… Le sentier ne permet pas d’être nez à nez avec les anciens présidents, mais il vous en rapproche sensiblement !
C’est à 1740 mètres d’altitude, au cœur d’une forêt de pics rocheux, que l’ouvrage débuta le 4 octobre 1927. L’historien Doane Robinson avait pour projet la création d’une œuvre monumentale dans les Blacks Hills pour tenter de développer le tourisme dans cette magnifique région montagneuse, trop peu connue du grand public. L’idée originale de Doane Robinson était de représenter les grands héros de l’Ouest américain comme Kit Carson, Jim Bridger ou John Colter. Le sculpteur John Gutzon Borglum (ancien élève de Rodin, alors âgé de 60 ans) s’enthousiasma pour ce projet mais imposa un sujet plus patriotique avec les personnages de grands présidents, pères et fondateurs de la nation… Ce projet de dimension régionale devint ainsi une cause d’ampleur nationale: les quatre présidents sculptés sur le Mont Rushmore représentent 150 ans de l’histoire des Etats-Unis. Quatre cents ouvriers contribuèrent à la création du mémorial, dans des conditions de travail le plus souvent difficiles (la dynamite fut le principal outil utilisé pour façonner ce massif granitique), pour certains accrochés à flanc de falaise avec des marteaux piqueurs pneumatiques. A la mort du sculpteur Gutzon Borglum en 1941, son fils Lincoln Robinson-Borglum poursuit le travail entamé en revoyant les exigences de son père à la baisse car celui-ci prévoyait de sculpter les présidents jusqu’à la taille… Le coût total de l’œuvre avoisina quand même le million de dollars, soit deux fois ce qui était prévu à l’origine (énorme pour l’époque !).
Pour rester sur le sujet des réalisations humaines démesurées et des présidents américains, la visite du parc du Jefferson National Expansion Memorial qui se trouve en plein cœur de Saint-Louis, sur les berges du Mississippi vaut le détour. L’ancien palais de justice, vieux de 150 ans et situé en plein centre du mémorial de 37 hectares, se distingue par son dôme et sa rotonde recouverts de fresques. Il abrite aujourd’hui un musée. Les habitants de la ville et les touristes que nous sommes adorent passer l’après-midi dans cet espace vert toujours animé au bord du fleuve. La principale curiosité de ce mémorial est sans contexte la Gateway Arch, une arche dédiée à Thomas Jefferson et aux pionniers partis à la conquête de l’Ouest. En 1947, le Jefferson National Expansion Memorial organise un concours d’architecture et sur les 172 projets, c’est l’arche de l’architecte américano-finlandais Eero Saarinen qui est retenue. Cependant les travaux ne débutèrent qu’en 1963, soit dix huit mois après la mort de l’architecte, pour s’achever le 28 octobre 1965. La Gateway Arch (« arche passerelle »), Gateway to the West (« passerelle/porte de l’Ouest ») ou St. Louis Arch (« arche de Saint-Louis ») mesure 192 mètres de haut (soit plus de deux fois la hauteur de la Statue de la Liberté) et de large. Effet d’optique ou pas, l’arche apparaît plus haute que large bien que les 2 dimensions soient égales. C’est aussi le plus grand monument en acier inoxydable du monde ! Elle est résistante aux tremblements de terre et est conçue pour se balancer jusqu’à 23 centimètres dans les deux sens (soit 46 centimètres en tout). L’arche est creuse pour y loger un système tramway unique avec de petites télécabines 5 places en forme d’oeuf (claustrophobes s’abstenir) qui emmènent les visiteurs du sol à un couloir d’observation au sommet en 4 minutes. Cette zone arquée de 20 mètres avec des fenêtres étroites (16 ouvertures de chaque côté) qui font penser aux meurtrières des châteaux forts, permet de profiter d’un époustouflant panorama à 360 degrés sur la ville de Saint-Louis et le fleuve Mississipi. Enfin, à l’intérieur de l’arche, prenez aussi le temps d’explorer le musée de la conquête de l’Ouest pour mieux connaître l’histoire des premiers pionniers.