Yà’àt’héé,
Après avoir pris le temps d’observer le paysage changeant des nuages aux formes variées dans le miroir de l’eau à Vermillon Cliffs National Monument, nous décidons de rester sur ce rythme contemplatif pour observer les nuances de couleurs changeant au fil des minutes dans un slot canyon (canyon en fente)… D’ailleurs (attention, minute intello) ces deux actions ont une résonnance linguistique quasi oubliée: nuance et nuage sont deux mots liés l’un à l’autre par le son et le sens puisqu’ils sont issus du même verbe « nuer », vieux terme hors d’usage qui signifie « changer de manière continue et à peine perceptible ». La minute est écoulée (ouf, dirons certains – une minute peut paraître une éternité !) alors revenons au sujet des slot canyons… L’eau sculpte de majestueux canyons dans le grès, des strates et des formes d’une inventivité dont seule la nature est capable ! Un « slot canyon » est un canyon étroit formé par le ruissellement de l’eau sur la roche; son passage laisse de profonds sillons dans le grès que l’on peut voir ou sentir en effleurant la roche de sa main.
Un « slot canyon » est beaucoup plus profond que large: « Secret slot canyon » (le canyon de l’ouest américain est superbe et l’avoir juste pour soi est un vrai privilège !) que nous avons parcouru ne fait que quelques mètres dans sa plus grande largeur et le plus souvent moins d’un mètre, la hauteur est d’une trentaine de mètres aux endroits les plus profonds par rapport à la surface. Nous accueillons la fraîcheur du canyon avec soulagement (il fait déjà plus de 35°C à l’extérieur) et cette fraîcheur s’accroît lorsque nous croisons deux habitants de ce monde souterrain (un lézard et une tarentule) à l’entrée du canyon (Cette grosse araignée fait froid dans le dos !). Mais place à la magie du canyon avec ses jeux de formes et de couleurs… Un aller-retour dans le canyon, jusqu’à la sortie, on repasse sur nos traces, mais dans des conditions de lumières différentes qui font changer les nuances de couleurs: on remonte le défilé, les yeux sans cesse à la recherche d’une lumière particulière, d’un angle propice, d’un cadrage idéal, sans vraiment savoir ce que donnera la photo. C’est une véritable « caverne d’Ali Baba » avec ses tons roses, bruns, bleus presque noirs: c’est un vrai moment de bonheur de pouvoir profiter du canyon, tranquilles, sans précipitation, dans un silence quasi religieux !
Changement total de décor, nous émergeons de ce monde souterrain (quelques centaines de miles plus loin quand même) pour traquer à nouveau les nuances de couleurs. Bienvenus au Kodachrome State Park, l’un de ces states parcs désertés par les touristes (de par la proximité Bryce Canyon). Pourtant, il vaut largement le détour ! Ce parc a été photographié un grand nombre de fois dès la fin des années 1940 par les journalistes du National Geographic qui utilisaient à l’époque des pellicules « Kodachrome » de Kodak – vous vous rappelez sûrement cette pub « les voleurs de couleurs », avec les fameuses « Kodakettes », ces trois fillettes délurées habillées d’un maillot de bain à rayures rouges et blanches, coiffées d’un bonnet ressemblant à une énorme ventouse ? – d’où le nom du parc: Kodachrome ! Comme son nom l’indique, cet endroit offre une grande panoplie de couleurs et de contraste. Le parc est connu pour ses cheminées (officiellement, 67 hoodoos), de plusieurs dizaines de mètres pour certaines. La provenance de ces cheminées pourrait s’expliquer par le fait que le parc ressemblait autrefois à Yellowstone National Park. Les cheminées seraient d’anciens geysers solidifiés autour desquels les sédiments moins durs se sont érodés au fil du temps.
Tout aussi méconnus et désertés par les touristes (toujours la faute à Bryce de Nice !) Mossy Cave et Losee Canyon offrent de magnifiques randonnées dans un cadre idyllique. Les paysages rencontrés dans ces deux sites sont très similaires à Bryce: d’immenses falaises, de grands hoodoos, d’énormes rochers sculptés par l’eau et le vent durant des millions d’années dans du grès orange et rouge. Pour Mossy cave, la ballade longe une rivière (jamais à sec) au milieu des hoodoos et des pins, jusqu’à une cascade. Les pieds dans l’eau, nous profitons de la quiétude des lieux avec deux autochtones (un Vautour Aura encore appelé Urubu à tête rouge et un écureuil)… Quant à Losee Canyon, un sentier nommé « Arches Trail » vous permet de partir à la découverte d’arches (officiellement une trentaine) et de fenêtres tout en profitant des couleurs extraordinaires des falaises et des rochers qui contrastent énormément avec le vert de la végétation, notamment les nombreux pins qui poussent à flanc de montagnes… « Clic-clac, merci Kodak » !
Ben voilà, le prochain post pourrait s’intituler « N… comme Non, je ne veux pas rentrer » mais après ce temps qui prend la pause (photo) et qui repose, on n’a plus le temps de jouer… notre temps est écoulé et il faut penser à « glisser » dans notre monde à nouveau… et peut-être préparer le prochain voyage car comme le dit Loïck Peyron « le plus beau voyage, c’est celui qu’on n’a pas encore fait ».
Hágoónee’.