Coincé entre le « Grand » Arizona, le « Friendship » Texas et situé au sud du « Centennial » Colorado, le Nouveau-Mexique est souvent laissé de côté par les touristes qui visitent l’Ouest des Etats-Unis. Et c’est bien dommage car le Nouveau-Mexique, quel enchantement ! C’est même le slogan de cet Etat « The land of Enchantment » (ou Tierra de Encato). Terre d’extrêmes et de contrastes, parcourue de longs plateaux désertiques et surmontée de hautes montagnes, cet Etat méconnu offre une variété de paysages étonnants: des déserts, des montagnes, des mesas, des prairies, des forêts et des plateaux, le Nouveau-Mexique rassemble un concentré d’à peu près tout ce que l’on peut voir aux Etats-Unis. Il est aussi riche d’une culture issue de différents peuples qui se sont affrontés sur le territoire… Mexicains, Espagnols, Indiens et Américains y ont laissé des traces dans l’architecture et les traditions. Comme l’a écrit Joseph Kessel dans « La Vallée des rubis »: « les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant même le départ. On ouvre un atlas, on rêve sur des cartes. On répète le noms des villes inconnues… »… Tent Rocks, Santa Fe, Albuquerque, White Sands, Roswell… Je n’ai qu’à fermer les yeux et comme par enchantement, j’y suis déjà !
Au nord du désert Chihuahua, se situe un bassin encerclé de montagnes (San Andres Mountains et Sacramento Mountains) nommé le Bassin de Tularosa. En son centre se trouve un endroit peu banal: le White Sands classé National Monument en 1933 par le président Herbert Hoover. Cette étendue désertique était autrefois située sur le territoire des Apaches Mescalero. Le White Sands National Monument a une particularité intéressante pour ne pas dire surprenante: il abrite le plus grand désert de gypse du monde ! Semblables à de grandes vagues, des dunes de gypse d’une blancheur étincelante s’étendent sur 715 km2 de désert. Le sable poussé par les vents du sud-ouest forme des dunes brillantes qui changent constamment: elles s’agrandissent, s’élèvent en altitude puis s’abaissent, mais toujours en progressant inexorablement… On en distingue 4 types différents: les dunes en dômes, les dunes barkhane (en forme de croissant), les dunes transversales et les dunes paraboliques. Quelque soit leur type, ces dunes se renouvellent à l’infini, elles avancent sans se lasser et si elles rencontrent le moindre obstacle, elles l’ensevelissent ou se coulent autour de lui comme de l’eau s’il est trop massif. Lentement, ces milliards de grains de sable recouvrent tout sur leur passage ! Le gypse minéral, soluble dans l’eau, se trouve très rarement sous forme de sable. Le bassin de Tularosa (dit endoréique) fonctionne comme un piège pour les eaux et le gypse ainsi que les autres sédiments qu’elle contient. La pluie et la neige qui tombent sur les montagnes environnantes (San Andres culmine jusqu’à 2700 mètres d’altitude et Sacramento jusqu’à 3600 mètres) dissolvent le gypse. L’eau ruisselle jusqu’au bassin où elle s’évapore en laissant un dépôt à la surface…
En parcourant Dunes Drive, l’unique route qui traverse le parc d’Est en Ouest sur 13 kilomètres (8 miles), on a l’impression d’évoluer dans un paysage surréaliste où la route est fraîchement déneigée avec des congères sur les côtés ! Cette sensation est renforcée par les enfants qui dévalent les dunes dans la joie et la bonne humeur sur… des luges (que l’on peut louer au Visitor Center). Oui, ici, on ne contemple pas les dunes, on les « ride » ! La marche à pied au milieu des dunes est un excellent moyen de découvrir les splendeurs de ce parc et de se retrouver rapidement seul dans cette immensité de sable blanc. De nombreux sentiers (Playa Trail, Dune Life nature Trail, Alkali Flat Trail etc.) vous permettent de monter et descendre, puis remonter et redescendre les dunes… on perd la notion des distances mais aussi du temps. Les dunes nous encerclent comme autant de barrières impénétrables, on aperçoit les montagnes en toile de fond, parfois un buisson, parfois une fleur… Le silence est complet et pourtant un petit vent d’ouest semble souffler des mots ou des chants connus comme Under the same sun de Scorpions, The End de Pink Floyd, Best Friend de Puff Daddy ou encore I could not ask for more de Sara Evans… Le vent peut très facilement, et en quelques minutes seulement, recouvrir les traces de pas que vous laissez derrière vous… Qu’importe si l’on se perd dans cette immensité bleue et blanche, on sera peut-être secouru par un héros de films en tournage dans le coin comme « Lucky Lucke » ou « Optimus Prime »… Mais heureusement, les sentiers sont bien balisés par des tiges plantées dans le sable ! Dans cet environnement unique, rigoureux (forte chaleur, aridité) et toujours changeant (avancée de sable de quelques centimètres à plusieurs mètres par an), la flore et la faune se sont adaptées pour survivre. Comme disait Albert Einstein : « La seule source de connaissance est l’expérience »… Ici, les lézards, les criquets et les souris ont par exemple adopté un camouflage blanc ! Les Rangers offrent une visite au coucher du soleil, tous les soirs, pour expliquer aux visiteurs curieux, la vie nocturne du parc. La faune se montre plutôt en soirée ou carrément la nuit : lapin, daim, grand géocoucou, serpent à sonnette, tarentule et renard sont des locataires habituels. Quant à la flore, elle s’est aussi très bien adaptée: les yuccas poussent vite et sont donc capables de survivre au déplacement des dunes tandis que les « squawbush » ou « skunkbush sumac » (variété de buissons) agrègent les grains de sable autour de leurs racines pour rester toujours perchés sur leur piédestal.
Changement de décor… un autre endroit, un autre paysage à 64 kilomètres au Sud-Ouest de Santa Fe: le Kasha-Katuwe Tent Rocks National Monument. Sur le chemin qui mène au site, le plateau aride s’égaye de nombreuses plantes, cactées et de fleurs comme la Fallugia paradoxa (ou Apache Plume), la Castilleja (ou Indian paintbrush) ou encore la Polanisia dodecandra. Toutes ces fleurs d’altitude aux nombreuses couleurs se sont adaptées pour survivre dans cet environnement difficile ! C’est donc avec des couleurs plein les yeux que l’on découvre avec émerveillement le site du Kasha-Katuwe Tent Rocks National Monument. « Kasha-Katuwe » est une sentence qui signifie falaises blanches en langage Keresan (langage encore parlé dans le Pueblo de Cochiti). Classé National Monument en janvier 2001 par le président Bill Clinton, le site est situé sur le Pajarito Plateau (à 1950 mètres d’altitude). La particularité de ce site est la présence de tours rocheuses dont le sommet pointu fait penser à une tente. La forme des roches est principalement due à une éruption volcanique (du volcan Jemez) remontant à 6 ou 7 millions d’années. Suite à des explosions et des coulées pyroclastiques (nuées ardentes), différentes couches de roches volcaniques et de cendres se sont superposées sur environ 300 mètres d’épaisseur. L’érosion fit le reste : le vent et les précipitations sculptèrent la roche pour donner des canyons (dont le Slot Canyon) et les Tent Rocks, sorte de cheminées de fées constituées de pierre ponce et d’ignimbrites, surmontées de chapeaux de lave.
Le Canyon Trail (5 kilomètres aller-retour) commence par la traversée du Slot Canyon… On évolue dans une succession de passages très étroits où les roches striées d’une hauteur difficile à estimer donnent des paysages surréalistes. La falaise comporte différentes strates avec des nuances de couleur rose, blanche et sable. Le canyon tourne à droite puis à gauche et l’on n’a aucune idée de ce que va nous réserver le prochain coude… Soudain le canyon débouche au milieu d’un champ de cheminées de fées ! On dirait qu’un pâtissier géant a fait des meringues immenses qui se sont solidifiées pour toujours. Certaines cheminées ont gardé leur couvre chef minéral, d’autres l’ont perdus formant ainsi ces pyramides. Après quelques minutes de montée, nous arrivons sur le plateau qui nous offre un panorama à 360 degrés sur les mesas surplombant les falaises roses et blanches avec au loin les Jemez Mountains. L’endroit est tout simplement enchanteur !