Tout au sud du continent américain s’étend la Patagonie (ou Patagonia en espagnol) partagée entre une partie chilienne à l’ouest et une partie argentine à l’est qui s’étend sur 1 140 532 km2, à cheval sur cinq provinces (Neuquén, Rio Negro, Chubut, Santa Cruz et la Terre de Feu). Terre de contraste, cette région de la planète abrite des montagnes, des calottes glaciaires aux langues bleutées se jetant dans des lacs, des paysages de pampa, des forêts australes mais aussi un littoral peu touristique qui recèle tant des joyaux naturels… autant dire que c’est une région aux mille facettes ! Alors, êtes-vous prêt à marcher dignement sur les traces de Bruce Chatwin en écrivant votre propre version de In Patagonia ?
La Patagonie nous apparaît telle qu’on la rêvait : des steppes arides à l’infini balayées par les vents (il paraît que la pluie tombe à l’horizontale dans cette région !), peuplées de moutons et des routes parcourues en solitaire qui n’en finissent pas… On peut parcourir des centaines de kilomètres sans voir personne, hormis quelques chevaux ou guanacos errant en liberté. Ici, on doit composer avec une nature imposante et sauvage pour se rendre au bout du monde ! Passage au col Garibaldi (450 mètres) d’où l’on a une vue superbe sur le lac Escondido, enclavé au milieu de la Cordillère à 60 kilomètres d’Ushuaia… Depuis le col, on aperçoit aussi la silhouette du lac Fagnano en arrière-plan… Ce lac aussi appelé aussi lac Kami ou Cami (« Kami » signifie grande eau en langue améridienne Selknam) est situé dans la Grande Ile de la Terre de Feu. Le lac Fagnano est l’un des plus étendu du monde: 98 kms de long, partant du village de Tolhuin en Argentine pour terminer au Chili. Les Onas l’avait appelé « le repos de l’horizon » parce que la ligne de la cordillère est interrompue par ce lac. Sur les rives du lac apparaissent des formations boisées très dégradées par les incendies…
Enfin, la route s’arrête / devant l’océan / dans l’aube tiède du levant / c’est l’ultime escale / la fin de l’errance / avant que j’ose le silence (Florent Pagny – Terre), la côte Atlantique est sous nos yeux. Entre Rio Grande et Ushuaia, un détour nous emmène au Cap San Pablo, un endroit où se rejoignent des collines, des forêts, des rivières et l’océan. Un superbe sentier, nous conduit à une plage où telle une borne symbolique, se trouve la coque abandonnée du vaisseau Desdémona. Ce cargo de 77 mètres de long, construit au début des années 50, s’est échoué sur le rivage dans les années 80. Sa coque éventrée, rouillée, est encore remplie de sacs de ciment en provenance de Comodoro Rivadavia. Ses ancres imposantes sont plantées dans le sable à une centaine de mètres à l’avant et à bâbord de l’étrave… A marée basse, on peut faire le tour de l’épave et entendre le bruit des tôles qui pendent et grincent avec le vent donnant un sentiment empreint de mystère… ¡Qué copado! Nous reprenons la route vers la destination mythique d’Ushuaia, dernière ville avant le continent Arctique, en admirant les arbres des forêts australes, aux troncs torturés par les rigueurs du climat. La plupart des arbres sont recouverts de Barba de Viejo (ou barbe de vieux) ou « Barba del diablo ». On l’appelle aussi parfois barbe de Saint-Antoine ou barbe de Jupiter. Ce lichen gris-vert qui donne aux arbres des allures d’ancêtres fantomatiques, témoigne de l’excellente qualité de l’air… En effet, ce lichen est l’indicateur du degré de pureté de l’oxygène de l’endroit car il se développe seulement dans les lieux sans contamination.
Ushuaia, le nom de la ville vient de la langue indigène yagan (ou Yamana): ush (au fond) et wuaia (baie ou crique). C’est une ville coincée entre la montagne d’un côté et la baie d’Ushuaia de l’autre. La ville fut fondée en 1884 sur les bords du Canal de Beagle. C’est la capitale de la province argentine la plus méridionale, La Terre de Feu. Elle revendique le statut de « ville la plus australe du monde ». Les argentins considèrent en effet que Puerto Williams (du côté chilien) est trop petit pour mériter le nom de ville ! D’ailleurs, la promotion touristique joue à fond la carte de « ville du bout du monde » et de base avancée pour la découverte du 6ème continent… Pour la petite anecdote historique, la ville a d’abord été un lieu de détention pour les criminels argentins pour lesquels un pénitencier a été construit au début du 20ème siècle. Ces prisonniers ont contribué au développement de l’économie locale, en particulier en exploitant le bois des forêts entourant la ville !
Depuis Ushuaia, le Canal de Beagle permet de faire de très agréables balades en bateau. Ce canal sépare la grande île de La Terre de Feu des petites îles situées au sud et appartenant au Chili (Puerto Williams). Navigable, il mesure environ 240 kilomètres de long pour 5 de large au point le plus étroit. Il doit son nom au bateau britannique « HMS Beagle » qui a exploré la région au 19ème siècle avec un capitaine nommé Robert Fitz Roy et avec à son bord un passager célèbre… nommé Charles Darwin qui publia en 1839 « Le voyage du Beagle »… Après avoir traversé le canal d’Est en Ouest, le « HMS Beagle » a vogué pendant presque cinq années, Vogue, vogue, mon joli petit bateau : l’Amérique du Sud, l’Afrique puis l’Australie… Mais revenons à l’instant présent: départ du port local pour observer la ville la plus australe du monde. On admire tout d’abord la baie d’Ushuaia avec ses voiliers, l’épave du San Cristobal, la cime élancée du mont Olivia, le mont des Cinq frères (Cinco Hermanos), le mont Escarpado, l’Estancia Fique y Tùnel, la rivière Encajonado… et la côte avec sa végétation torturée pas les vents. Nous atteignons ensuite le phare des éclaireurs, communément appelé « phare du Bout du Monde » (un petit phare de San Juan de Salvamento, construit en 1884) immortalisé par Jules Vernes dans ses voyages extraordinaires : le roman «Le phare du bout du monde » fut publié en 1905 et relate l’aventure des gardiens du phare aux prises avec des pirates…
Ici, les deux océans bataillent pour marquer leur territoire et c’est le Pacifique qui gagne et pousse l’Atlantique. Les courants créés amènent de nombreux planctons et mollusques qui attirent de nombreux poissons régalant la faune environnante (Lions de mer, Otaries, Cormorans). Les petites îles du canal sont littéralement colonisées. L’isla de los Pájaros (L’île des oiseaux) permet d’admirer les Cormorán de Magallanes, les majestueux cormorans impérieux, des albatros, pétrels, fullman, pétrels géants et 20 espèces différentes d’oiseaux marins… L’isla de Los Lobos, refuge des otaries à fourrure et des otaries à crinières (Lions de mer). Ces mammifères, excellents nageurs, partagent leur existence entre milieu marin et terre ferme, où ils ne s’installent que pour se reposer et se reproduire. Cousins des phoques et des morses, ils vivent en colonies et le mâle commande un harem qu’il défend en combattant et en poussant d’impressionnants rugissements.