Un dernier coup d’œil sur la Laguna Colorada au petit matin: elle a retrouvé son calme et perdu sa coloration rouge intense mais offre des reflets saisissants. Direction le grand désert de Siloli avec ses couleurs ocres et ses montagnes lunaires, où se dressent des sculptures naturelles étranges dont l’incontournable el’Arbol del Piedra (l’arbre de pierre), une formation géomorphologique d’apparence fragile, impressionnante par sa hauteur d’environ 5 mètres. Ce site marque l’entrée au parc national Eduardo Avaroa. Commence alors le périple sur la route de Las Joyas (littéralement, la « route des joyaux« ), parcours qui passe par plusieurs lagunes: Honda, Chiar kota, Hedionda, Cañapa.
Paysage entouré au loin de volcans, la Laguna Honda, dont le nom signifie « lac profond », n’a en réalité que 10 cm de profondeur. Mais cette faible profondeur rend cette lagune particulièrement calme, et en fait un véritable miroir dans lequel le bleu éclatant du ciel se reflète. La Laguna Cañapa et ses 1,4 km2 de superficie est, elle aussi, entourée de volcans et héberge très une importante faune de… flamants roses. Un spectacle époustouflant, surtout quand les colonies de flamants roses prennent leur envol… Deux flamants (parlant wallon entre eux), tout en rose, agitent délicatement une patte et clopinent d’un pas feutré dans l’eau de la lagune. Ils picorent une larve de sel puis s’évaporent de quelques coups de plumes… tout simplement magique !
En suivant la route de Las Joyas, on arrive au Salar de Chiguana (415 km2), perché à plus de 3600 mètres d’altitude ; il est traversé par la voie ferrée qui joint Uyuni au littoral chilien. Après la guerre de 1884 avec le Chili, la Bolivie a perdu le désert d’Atacama et le Chili a donné une faible compensation en offrant un accès gratuit aux ports d’Angofasta et en construisant une voie ferrée entre La Paz et le littoral. On peut observer des petits dépôts de minéraux de bore qui furent exploités au début des années 1990 et exportés en Europe. Ce paysage de sel étonnant s’étend à perte de vue avec en arrière-plan le volcan Ollagüe. Le volcan Ollagüe se trouve à la frontière Chili-Bolivie (altitude de 5870 m) et est l’un des volcans possédant la plus forte activité de toute la Cordillère Occidentale. Si le paysage peut rappeler certains sites de l’Ouest des USA, on remarque une étrange plante grasse omniprésente, la Yareta qui ressemble à de la mousse collée sur de grosses pierres. En réalité, la plante est dure comme de la roche et pousse de manière concentrique pendant plusieurs siècles. Elle sert à chauffer les foyers (grande énergie calorifique de par la quantité de sa résine) dans les villages isolés de l’altiplano.
Justement en parlant de villages, nous arrivons à San Juan de Rosarion (appelé le plus souvent simplement San Juan) une minuscule localité (un semblant de retour à la civilisation) prise d’assaut par les voyageurs pour passer la nuit généralement dans des hôtels ou refuges construits en sel; les murs sont composés de briques de sel tout comme les tables, les chaises et la base des lits… et sur le sol, des grains de sel, bien sûr: « Grain d’sel, mon grain de sel / Fondra comme une étincelle » comme le chante Maxime.
Lever très très tôt pour ne pas rater un autre moment fort de ce périple: le lever de soleil sur le Salar d’Uyuni. Le « Ténéré Blanc » et ses 12 000 km² est le plus grand désert salé du monde: « Je rêvais d’une autre terre / Qui resterait un mystère / Une terre moins terre à terre / Oui je voulais sauter en l’air » (Téléphone – Je rêvais d’un autre monde). Tous les repères nous lâchent, dans cet autre monde aux conditions climatiques extrêmes; c’est un voyage hors du temps (« Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours: Laissez-nous savourer les rapides délices / Des plus beaux de nos jours !« ) et de l’espace que de découvrir le Salar d’Uyuni: sur ces plaines désertiques et désespérément plates, le blanc est à perte de vue. Ce désert de sel est un spectacle unique au monde, à la foi lunaire et solaire, glacial et scintillant, qui est même visible paraît-il des passagers des navettes spatiales…
Ce trésor naturel du bout du monde, est l’un des résidus, tout comme le lac Titicaca, de d’une immense mer intérieure qui s’étendait entre les deux cordillères, et qui s’est évaporée. Il était recouvert par le lac Minchin il y a des dizaines de milliers d’années. A la place maintenant un désert de sel et des milliards de cristaux de sel… voilà pour l’histoire géologique. Mais il existe une autre version de l’histoire, une légende locale sur la formation du Salar d’Uyuni… se rapportant au volcan Tunupa (5432 mètres d’altitude) beaucoup plus mignonne. La légende raconte que les volcans de l’altiplano pouvaient parler et se déplacer. Le seul volcan féminin était celui de Tunupa. Un jour Tunupa tomba enceinte mais le père du petit volcan était inconnu… Les volcans masculins discutèrent toute la nuit et prirent la décision de retirer le petit volcan à sa mère. Cette décision rendit les Dieux furieux et ils retirèrent le droit aux volcans de se déplacer, de parler et de se rencontrer. Le volcan Tunupa pleura tellement que ses larmes et son lait se répartirent alors sur le sol aride; c’est ainsi que serait né le Salar d’Uyuni.
Au milieu de cette étendue blanche, se dresse la Isla Incahuasi du quechua « la maison de l’Inca« . Elle est aussi appelée « île du pêcheur », en référence à l’’île jumelle « du poisson »: également recouverte de ces cactus géants, elle est aussi entourée d’étendues de sel hexagonales. Les chemins aménagés permettent de grimper facilement à son sommet afin d’observer l’immensité du salar. Outre les cactus en fleurs à cette saison, l’île est aussi habitée par les vizcachas, sorte de lapins andins de la famille des chinchillas.
Le Salar est composé de 10 000 millions de tonnes de sel dont plus de 25 000 tonnes sont extraites chaque année. Il possède par ailleurs 140 millions de tonnes de lithium et se positionne ainsi comme l’une des plus grande réserves de ce minéral au monde. La profondeur de ce désert de sel est de 120 mètres. Il se compose de 11 couches de sel distinctes dont les épaisseurs varient entre 2 et 10 mètres. Se retrouver au milieu du Salar est comme être au milieu d’un miroir infini; les illusions d’optiques, vous surprendront… Sous le salar transitent des rivières d´eau douce et salée. Cette eau, qui passe sous la croûte de sel, emporte avec elle l´air qui va trouver le moyen de ressortir. Ces « Ojos de Agua » sont les endroits où l´air ressort en formant des petits yeux en plein cœur du salar
Dernière escale de cette escapade bolivienne, le grand cimetière de trains héritage de l’âge de la vapeur, à proximité de la ville d’Uyuni: des dizaines de vieilles locomotives à vapeur du début du siècle dernier finissent tranquillement leurs vies. Leur époque dorée les vit transporter le minerai d’argent extrait des mines environnantes… Allez, encore un lever aux aurores pour savourer les images d’un paysage bolivien hors du commun !
Hasta pronto !