Lors d’un voyage au Chili, difficile de ne pas faire une escale à Valparaíso (Valpo, pour les intimes). Située à 115 kilomètres de la capitale Santiago, la deuxième ville du pays, Valparaiso, littéralement « Vallée du Paradis » dont le centre historique a été déclaré en 2003 Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO, est l’un des lieux les plus beaux et pittoresques de la région centrale du Chili. Aujourd’hui, siège du parlement chilien, la ville a longtemps été le port le plus important de la façade Pacifique du continent américain (à l’instar de Buenos Aires du côté Atlantique) ce qui a permis son dévelopement. On peut distinguer deux parties distinctes: « el Plan », la partie plate qui contient la majeure partie des commerces et des services administratifs et les « cerros », les collines qui dominent la ville. Ce sont ici que la plupart des gens vivent, dans des maisons aux toits de tôle bariolées de nombreuses couleurs. Cette cité portuaire est souvent considérée comme la capitale culturelle du pays de Huidobro car elle a été le berceau d’artistes comme Pablo Neruda ou de politiciens utopistes comme Salvador Allende (ce dernier est d’ailleurs natif de Valpo). Bohème, haute en couleurs, pleine d’énergie positive et de choses à découvrir, cette ville atypique sait séduire les voyageurs de passage… Succomberez-vous à votre tour au charme de Valparaiso ?
Dominée par plus de 40 collines, la baie de Valparaiso forme un amphithéâtre naturel donnant sur l’océan Pacifique. Le quartier du port est le plus ancien de la ville: c’est ici que furent négociés et conclus de nombreux échanges commerciaux entre le 16ème et 18ème siècle ! Les marins anglais et français s’y arrêtaient systématiquement avant ou après leur passage par le Détroit de Magellan. Après avoir vogué sur leur vaisseau à quatre ou cinq mâts, on imagine aisément les marins et dockers vaquer à leurs occupations dans les bars situés près de la plaza Echaurren, à deux pas de l’église de la Matriz: « Il a une casquette marine / Une vareuse de pêche / Il chante sa complainte bleue marine / La bouche sèche / Le bleu qu’il met dans sa vodka / Ça lui rappelle / Tous les j-aurai-du, y’avait-qu’à » (Le marin – Alain Souchon). Mais avec l’ouverture du Canal du Panama, « la perle du Pacifique » perdit son influence sur le monde maritime. Aujourd’hui, si le port est bien moins actif qu’autrefois, les navires militaires et les conteneurs s’y déplacent encore en nombre. Au port de plaisance, c’est depuis le Muelle (quai) Prat que vous pourrez faire une excursion en bateau pour voguer sur l’Océan Pacifique pour voir les lions de mer se dorer la pilule sur une bouée et admirer Valpo depuis l’eau, avec ses maisons multicolores perchées sur ses « cerros » (collines). Ah, les Cerros, il en existe plus de 40 à Valparaiso. Les maisons sont construites en suivant les reliefs des collines… ce qui donne une vue d’ensemble plutôt anarchique et impressionnante. Pour la petite histoire, il paraît que les « Porteños » (expression courante en Amérique du Sud désignant les habitants de certaines villes portuaires) utilisaient la tôle abandonnée dans le port pour couvrir et protéger leurs maisons faites de briques d’adobe (sorte d’argile mélangée à de l’eau et de la paille). Mais avec le vent et l’humidité la tôle avait tendance à rouiller… Les gens ont donc commencé à peindre leur maison avec la peinture utilisée sur les bâteaux, très résistante et surtout très colorée. Cette touche originale rend la ville atypique et très agréable: Valpo met de la couleur dans nos vies !
Ah, les vieux quartiers, perchés en haut des collines plein de couleurs avec un labyrinthe de petites ruelles pavées, d’escaliers en mosaïques et de passages qui permettent de visiter la ville d’une manière toujours surprenante… Vous l’aurez bien compris, le meilleur moyen de visiter la ville de Valparaiso c’est à pied, à la force de vos mollets. Les rues sont pentues, escarpées, ça monte et ça descend (on a l’impression d’être à Montmartre et à San Francisco à la fois) jusqu’à l’océan pour découvrir le prochain cerro… mais il y a des raccourcis, des petits chemins de traverse qui vous emmènent à l’aventure un peu partout. C’est sa topographie et ce côté déglingué qui font tout le charme de cette ville ! On prend le temps de découvrir la ville et ses recoins cachés: on marque une pause devant un minuscule bazar, on se perd dans un passage insoupçonné avec des escaliers alambiqués, on s’arrête devant un petit café bien planqué où l’on commande un café con leche… on se relaxe en regardant des autochtones jouer à chats perchés ! Comme l’a écrit Pablo Neruda « il n’y a rien de plus beau que de perdre son temps ». Paradis de l’art urbain, Valparaiso est un veritable musée à ciel ouvert. Ici le mot « Street Art » prend tout son sens. Il faut dire que cet ensemble chaotique de peintures à même les murs s’accorde à merveille avec l’architecture tarabiscotée de la ville ! A chaque coin de rue, la surprise visuelle est au rendez-vous. Peu importe le chemin que l’on emprunte, on tombe toujours sur de vraies œuvres d’art. Les peintures murales sont quasiment toutes magnifiques. Vous l’aurez compris, si ce ne sont pas les oeuvres d’art qui s’affichent sur les murs, alors ce sont les façades des maisons ou les escaliers marches après marches que l’on colore… D’ailleurs c’est dans l’un des escaliers de Valparaiso que l’on découvre les paroles de cette si belle chanson Latinoamérica, véritable hommage à toute l’Amérique latine : « Je suis l’Amérique Latine / Un peuple sans jambes, mais un peuple qui avance… »
Si votre principal allié (comprenez votre mollet bien musclé !) fatigue après le 40ème escalier et la 10ème colline, vous pouvez toujours prendre un des nombreux ascenseurs/funiculaires pour économiser un peu d’énergie. Valparaiso c’est aussi « La ciudad de los ascensores » (la ville des ascenseurs). Ils sont aujourd’hui devenus, conjointement avec les maisons multicolores perchées sur les collines, un des symboles de la ville. Classés Monuments historiques du Chili, sur les 30 funiculaires qui fonctionnaient au tournant du 20ème siècle, 12 d’entre eux ont été détruits, 11 sont inactifs et seulement 7 sont encore opérationnels. Et tous font leur âge, requérant des soins quotidiens, «comme aller chez le gériatre». Autrefois hydrauliques, puis à vapeur, à présent électriques, ils ont gardé une la mécanique d’origine allemande, française, ou anglaise. Disposés au pied des Cerros, ils ne sont pas qu’une attraction touristique, les « Porteños » les utilisent chaque jour dans leurs déplacements. Aussi poussifs que charmants, les célèbres funiculaires qui gravissent les collines, ont survécu grâce à l’amour de leurs machinistes. S’élever à l’intérieur de ces machines est un voyage à part entière: ça couine, ça grince, ça tremble. C’est brinquebalant, mais on ne peut s’empêcher d’adorer ça ! L’ascensor Polanco, rue Simpson dans le quartier Almendral est le seul véritable ascenseur de Valparaiso, les autres étant des funiculaires. Inauguré en 1906 et classé monument historique en 1976, c’est probablement le plus pittoresque de tous car il s’élève verticalement à 60 mètres de hauteur. Son originalité vient de son tunnel d’accès de 150 mètres, qui rappelle un peu les galeries des mines, sculpté dans la roche apparente mais aussi de sa passerelle de 48 mètres que l’on doit emprunter pour rejoindre la rue Valderrama. Quant à l’Ascensor Espiritu Santo, qui relie « el Plan » (calle Aldunate) au Cerro Bellavista (rue Rudolpho), il a la particularité d’avoir une durée de transport de 25 secondes, la plus courte de tous les funiculaires de Valparaiso. Inauguré en 1911, son dénivelé est de 20 mètres et ses rails ont une longueur de 65 mètres. Enfin, l’Ascensor Barón, d’une longueur de 75 mètres pour un dénivelé de 30 mètres, contruit en 1906, fut le premier funiculaire de la ville à être doté d’un moteur électrique.
Continuons notre visite de Valparaiso, par les plus célèbres et emblématiques quartiers, ceux qui figurent sur toutes les cartes postales et les guides touristiques, les Cerro Concepción et Alegre. Inauguré le 1er décembre 1883, l’Ascensor Concepción a été le premier funiculaire à s’établir dans la ville. Il relie la rue Prat, à côté de l’Horloge Turri, au pittoresque Paseo Gervasoni du Cerro Concepción. A l’époque ses voitures étaient en bois et elles étaient actionnées par des contrepoids d’eau placés des deux côtés du parcours (dénivelé de 35 mètres pour une longueur de 70 mètres – durée du trajet 45 secondes). A l’entrée, les grilles et tourniquet métalliques semblent d’un autre âge. La cabine, pour sept personnes, est sommaire avec son petit banc de bois. A l’arrivée sur le Paseo Gervasoni on découvre un magnifique mirador sur la ville. Maintenant que nous avons pris de la hauteur (En apesanteur, tout est plus beau de là-haut / Je pourrais y passer des heures / À tournoyer, planer comme un oiseau), nous profitons d’une magnifique balade le long de belles demeures colorées jouissant d’une vue ouverte sur la baie, de l’hôtel Brighton (situé sur le Cerro Concepción) jusqu’au mirador Yugoslavo (situé sur le Cerro Alegre). Enfin, nous ne pouvions pas quitter Valparaiso sans visiter « la Sebastiana », la maison du poète Pablo Neruda, située sur le Cerro Florida, et qui offre une vue imprenable sur le port et la ville. « J’ai construit ma maison comme un jouet et j’y joue du matin au soir » dixit le poète. Cette maison sur quatre étages permet de mieux connaître la vie du poète ainsi que son admiration pour le port de Valparaiso et plus généralement pour la mer: « Port fou » Valparaiso est aussi, sous la plume de Neruda, la « fiancée de l’océan », ou la « reine de toutes les côtes du monde ». Comme ses autres demeures, il l’a transformée, destructurée en lui rajoutant des escaliers, coins et recoins, en la décorant de mille objets hétéroclites rapportés de tous les coins du monde (peintures, sculptures, bouteilles, morceaux d’embarcations…), en la peignant de toutes les couleurs comme les maisons du port, pour en faire un lieu unique. On peut admirer le minuscule bar où le poète préparait le « coqueleton », un cocktail de son invention composé de parts égales de cognac et de champagne, et de quelques gouttes de Cointreau et de jus d’orange. L’aura de cette maison m’a séduite… l’espace d’un instant, j’aurais pu m’asseoir et écrire à son bureau, emportée par l’inspiration qui émane de Valparaiso… « Ah ! si seulement avec une goutte de poésie ou d’amour nous pouvions apaiser la haine du monde ! » (Résidence sur la Terre). Mais il est temps de quitter cette atmosphère unique et bohème, cette capitale mondiale du Street Art et de la couleur pour continuer notre route… car comme l’écrit Pablo Neruda « Il meurt lentement celui qui ne voyage pas ».
Waouh! J’admire toutes ces oeuvres « street art » et ces belles façades toutes très colorées, c’est vraiment magnifique! Tes photos me font rêver *_*
Valparaiso rime avec mer, collines, maisons colorées … et graffiti. Valparaiso, c’est la sensation d’être en vacances plutôt qu’en voyage et un plaisir de se perdre au milieu de toutes ces ruelles colorées. Et c’est aussi l’occasion de tomber, un peu par hasard, sur de véritables oeuvres d’art, répandues dans toute la ville car à Valpo, l’art vit à l’air libre, il est partout 🙂