Au Sultanat d’Oman, pas de doute, Mère Nature s’en est donnée à cœur joie ! Dès que l’on quitte la ville de Mascate, le décor change brutalement: on se retrouve dans un univers minéral tout en plaines caillouteuses et en montagnes dentelées. Pourtant au 14ème siècle, l’explorateur marocain Ibn Battûta, surnommé « le Marco Polo de l’Islam » relatait dans son ouvrage, le « Rihla » (ou Voyages): « Oman est un pays fertile, arrosé de cours d’eau et planté d’arbres, de vergers, de palmeraies ». Mais comment est-ce possible me direz-vous ? Cette description est toujours d’actualité si l’on imagine le pays à travers ses wadis. En effet, le massif montagneux est sillonné par de profondes vallées verdoyantes bordées de palmiers qui abritent des gorges étroites et des piscines naturelles en enfilade. Telles des oasis en plein désert, les wadis du Sultanat d’Oman sont de véritables trésors de la nature. Et puisque l’on parle de désert, veillez à ne surtout pas passer à côté du fascinant Wahiba Sands ou Sharqiya Sands. Ce désert de sable mouvant (et non de sables mouvants) de 12 500 km2 se situe dans le nord-est du pays. L’infime souffle d’air modèle le paysage de dunes en motifs éphémères sans cesse renouvelés: le désert est donc mouvant scientifiquement parlant et nous on trouve ça vraiment émouvant !
« Ce qui embellit le désert c’est qu’il cache un puits quelque part ».
(Antoine de Saint-Exupéry)
Les Wadis du Sultanat d’Oman: des oasis dans un désert minéral
De longs et profonds canyons aux parois verticales, les wadis, entaillent les montagnes. Dans ces écrins de verdure se nichent souvent des cultures de palmiers dattiers, de bananiers, de citronniers ou de manguiers grâce aux « aflaj » (pluriel de « falaj » – en arabe falaj signifie diviser en parts). Cet astucieux et très ancien système d’irrigation répartit l’eau, circulant par gravité depuis les sources jusqu’aux aux terrains cultivés. La construction la plus ancienne remonterait aux environs de 500 après J.C. Mais des fouilles archéologiques récentes (l’oasis de Hili dans la région d’Al-Aïn) ont mis en évidence que ce système d’irrigation existait dans la région vers 2700-2400 avant J.-C. Autant dire que les débuts de l’agriculture irriguée remontent à la nuit des temps !
Dans un territoire recouvert à 80 % de déserts et de montagnes, les wadis (signifiant « canyon, vallée » en arabe) offre aux visiteurs un goût de paradis terrestre. Ici, point de pomme dans laquelle croquer mais pourquoi ne pas succomber à ces grenades ou ces dattes, justement nommées « Fruits du paradis » pour les musulmans. Avec 270 000 tonnes/an, le Sultanat d’Oman est le 8ème producteur mondial de dattes, loin devant la Tunisie et le Maroc. Avec 250 variétés indigènes de palmiers dattiers poussant dans le sultanat, seulement une dizaine sont prisées pour leur saveur, comme la khunaizi, succulente fraîche, ou la khalas et ses notes de caramel. Une bonne partie de la production est exportée vers l’Inde, le sud de l’Iran et les pays du Golfe. On récolte les dattes dans les premières heures de la matinée. Un palmier donne jusqu’à 120 kilos de dattes. Ce sont des fruits particulièrement fragiles qui exigent le plus souvent d’être séchés avant d’être transportés. C’est pourquoi, les dattes passeront environ 4 jours en plein soleil avant d’être conditionnées.
Le Wadi Al Arbiyeen est un sillon naturel creusé dans la montagne des Monts Hajar. Les roches ocres qui entourent les eaux émeraudes et le calme absolu qui y règne en font un lieu reposant. Profitez de cet endroit et laissez-vous envouter par l’atmosphère hors du temps qui règne ici. Seul le bruit de la cascade et les voltiges d’un rollier Indien (Coracias benghalensis) viennent briser notre quiétude. Il faut dire qu’avec ses ailes bleu électrique et bleu turquoise, cet oiseau ne passe pas inaperçu.
« La montagne, le ciel et les vallées environnantes semblaient changer chaque jour, trouvant toujours de nouvelles façons d’être spectaculaires. La nature n’avait pas besoin d’une opération pour être belle. Elle l’était, tout simplement ».
(Scott Westerfeld – Uglies)
Un autre wadi si semblable et pourtant si différent… À 40 minutes au nord de Sour se trouve le Wadi Shab, une vallée elle aussi creusée dans les Monts Hajar. Les eaux douces qui descendent des montagnes se marient aux eaux salées puisque ce wadi, surnommé « la gorge entre les falaises », débouche sur le Golfe d’Oman. Après une courte traversée en barque, il faut emprunter un chemin de randonnée qui suit le cours de la rivière asséchée. A flanc de falaises, on monte progressivement, en admirant les gorges aux dimensions et aux couleurs spectaculaires. Et la récompense est au bout du chemin: enchâssées dans les parois verticales blanches et ocres, de belles piscines invitent à la baignade. Autour des micro cascades, des libellules rouges et bleues effectuent des acrobaties aériennes. Grâce à ses 2 paires d’ailes indépendantes, la libellule peut faire du sur-place, des piqués éclairs, reculer, voltiger et se stopper net pour repartir en sens inverse: le top dans les concours de voltige ! Elle est aussi capable de faire des pointes de plus de 90 km/h (avec le taon, elle fait partie des insectes les plus rapides).
Si vous souhaitez profiter d’un wadi sans avoir aucun effort à faire, alors vous pouvez opter pour le Wadi Bani Khalid, le plus populaire. La route qui y mène serpente au travers de formations rocheuses teintées de vert et de rouille (en raison de la présence d’oxyde de cuivre et de minerai de fer). Elle grimpe sur les hauteurs du Hajar oriental. Il est préférable de s’y rendre le matin pour éviter la foule et surtout éviter les week-end omanais soit le jeudi et vendredi. Développé pour le tourisme, la baignade est aisée dans l’immense vasque d’eau surplombée d’une buvette. Si la baignade ne vous tente pas, laissez vos pieds barboter dans l’eau: vous aurez la joie de voir des dizaines de petits poissons s’approcher pour vous offrir une délicieuse pédicure.
Il est toutefois possible de fuir l’affluence en empruntant le sentier balisé qui mène à la grotte de Moqal. En remontant le cours d’eau on découvre de très belles piscines naturelles agrémentées de petites cascades et entourées de lauriers roses. Ce n’est pas sans évoquer un petit jardin d’Eden, non ? Vous pouvez alors commencer à vous détendre et profitez pleinement de la gorge étroite et des eaux émeraudes.
Wahiba Sands: un désert de sable mouvant et émouvant
A trois heures de route au sud de Mascate se trouve Wahiba Sands (en arabe: ِيْبَة or رَمْلَة آل وَهِيْبَة), aussi appelé Sharqiya Sands (en arabe: ٱلرِّمَال ٱلشَّرْقِيَّة), une zone désertique qui s’étire sur 180 kilomètres de long (du nord au sud) et 80 kilomètres de large (d’est en ouest). Bordé par les Monts Hajar et la Mer d’Arabie, ce désert tient son nom de la tribu de bédouins Al-Wahiba. Cette mer de sable est un immense écosystème dunaire mouvant abritant une flore (150 spécimens de végétaux) et une faune sauvage (200 espèces animales) étonnantes ainsi que des milliers de bédouins.
Une nuit dans le désert est toujours magique. Il y règne un silence absolu qui est presque assourdissant tant on est habitué à notre pollution sonore. Et la nuit est si lumineuse que l’on pourrait croire que les étoiles brillent ici plus fort qu’ailleurs. Aux premières heures du jour, le désert s’illumine: les dunes se colorent de dégradés d’orange que la luminosité du soleil se plait à faire varier. Le panorama se révèle sous nos yeux ébahis: des ondulations sur le sable fin, un jeu de courbes perpétuelles et une impression d’espace infini. Les deux dromadaires quant à eux sont restés stoïques face à ce spectacle solaire: quels chameaux ! On tente de suivre la ligne de crête d’une dune mais rapidement le regard se perd dans l’immensité. Cette mer de sable avec ses vagues minérales géantes est à la fois impressionnante et apaisante: ne rien faire, ne penser à rien, rester dans le silence le plus complet et admirer le paysage…
« J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence…»
(Antoine de Saint-Exupéry – Le Petit Prince)
Les immenses dunes couleur rouille s’éclaircissent en certains endroits, pour prendre des teintes plus dorées. Ce désert comporte deux types de sable, dont l’un, plus fin et plus clair, se déplace sur les dunes au gré des vents, créant des teintes changeantes en fonction des moments de la journée. Serait-ce à dire que le sable est à la fois figé pour l’éternité et à jamais en mouvement ? Façonnées par les vents, les dunes sont en perpétuellement en mouvement: on raconte que l’on peut se perdre en quelques minutes dans un désert parce qu’il se transforme au gré des vents… Il est donc impossible de s’y repérer sans l’aide d’un guide bédouin. « Moo-saa’id ‘ana dayie ! » (Au secours, je suis perdu !)
Le Sultanat d’Oman évoque tant le mythique conte « Les mille et une nuit » que l’on s’attend presque à voir un tapis volant survoler les dunes, suivi d’un génie sorti de sa lampe. Mais à défaut de rencontrer Aladin, Shéhérazade ou Ali Baba, on aimerait en apprendre plus sur ces hommes du désert, capables de survivre dans cette contrée inhospitalière. Ces bédouins qui grâce à leurs dromadaires, vivent en nomade à la recherche des points d’eau… Bon d’accord, aujourd’hui la réalité s’écarte un peu du cliché. Depuis quelques années les bédouins se sont sédentarisés à proximité des écoles et des dispensaires mais ils continuent néanmoins à vivre dans le désert en élevant chèvres et dromadaires. La question de l’accès à l’eau est toujours au centre de la vie dans le désert mais les bédouins sont désormais approvisionnés par des citernes grâce à des véhicules tout terrain. Reste leur immuable hospitalité comme la simplicité d’une tasse de « kah-wa » à la cardamome…
Le dromadaire: un élément essentiel de la culture bédouine
Demandez son souvenir le plus marquant à un bédouin, et il vous parlera immanquablement de ses dromadaires. Et oui, le dromadaireest un symbole vivant de la culture bédouine. Autrefois, les familles du désert avaient un mode de vie nomade dans lequel les dromadaires jouaient un rôle essentiel. Ils n’étaient pas simplement utilisés comme moyen de déplacement – pouvant parcourir de 50 à 100 kilomètres par jour à une vitesse moyenne de 10 à 12 km/h – mais aussi pour leur lait et leur viande. Ils étaient traités comme des animaux de compagnie. Un dromadaire répond à son nom et aime être caressé sur les côtés du cou et sous la gorge. Attention, il possède une excellente mémoire et il est également particulièrement rancunier. Heureusement pour nous, lorsqu’il se sent menacé, il fait remonter la nourriture de son estomac dans sa bouche mais il ne la crache pas contrairement à son proche cousin le lama.
Avec l’apparition des nouveaux modes de transport, les camélidés sont aujourd’hui surtout élevés pour les courses qui passionnent les foules des pays du Golfe. Lancés à plus de 60 k/h, les dromadaires filent en trombe jusqu’à la ligne d’arrivée encadrés dans leurs efforts par des 4×4 climatisés de part et d’autre de la piste. À leur bord les entraineurs crient leurs encouragements et donnent des instructions à leurs champions dans une cohue maîtrisée au milieu d’énormes nuages de poussière.
Le dromadaire est un mammifère herbivore ruminant de la famille des camélidés qui inclut aussi le lama, l’alpaga, le guanaco et la vigogne. Mesurant 1,80 à 2,10 mètres de hauteur pour un poids de 300 à 650 kilos, ce « prince du désert » est capable de vivre dans les milieux chauds et arides grâce à plusieurs caractéristiques physiques. Son pelage couleur claire limite l’élévation de température tout en isolant du froid. Ses longs cils servent de protection contre le sable et ses narines se ferment pour se protéger du sable et éviter l’évaporation. Son museau est très particulier avec une lèvre supérieure plus courte que la lèvre inférieure et fendue en deux par un sillon. Cette particularité fait que sa lèvre supérieure fonctionne un peu comme deux grands doigts doués d’une grande mobilité. Cela lui permet de sélectionner les petites feuilles des buissons épineux, partie les plus tendres de ces végétaux coriaces ! Sa bouche tapissée d’écailles et à sa salive gluante font le reste.
Ses genoux et sa poitrine sont munis de coussinets qui le protègent de brûlures quand il s’accroupit sur le sable chaud. Pour se déplacer, le dromadaire avance les pattes avant et arrière du même côté, en même temps: ça tangue à l’amble ! La foulée est plus longue et souple et le déplacement plus rapide mais par contre la stabilité latérale s’en trouve réduite. Quand un dromadaire lève une patte, on aperçoit un pied à deux orteils avec une large surface plantaire munie d’un coussinet élastique qui amorti les chocs, l’aidant à marcher aisément sur les sols sablonneux. On pourrait presque comparer ces larges pieds à des raquettes à neige qui serviraient surtout sur le sable fin et mou ! Promis, au prochain voyage dans une contrée désertique j’emporte mes raquettes à neige pour tester. Car pendant que nous nous enfonçons à chacun de nos pas, le dromadaire, lui, passe sans s’enfoncer en dépit de son poids. Ses traces larges et rondes, à peine marquées, laissées dans le sable en attestent; c’est comme s’il effleure simplement le sable à chacun de ses pas… il n’a pas galvaudé son surnom de « vaisseau du désert ».
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Merci Céline pour ce superbe reportage. Tes photos sont très lumineuses et tes explications très intéressantes et captivantes avec un pointe d’humour. Merci.
Merci Myriam 🙂 d’avoir pris le temps de t’évader par l’esprit à Oman en cette période de confinement !
Ma-gni-fiques ces photos Céline! Moi qui adore voyager, je te remercie pour ce cadeau 🙂 Je viens d’apprendre tes talents de photographe, et ton site est très bien fait!
Merci Marie-Louise 🙂 Et je te dis à très bientôt pour de nouvelles destinations !