« Boujou » !
Si je vous parle de vaches broutant paisiblement dans des champs verdoyant sous les pommiers, de chaumières en colombages, de cidre et de calvados, de fromages crémeux (Camembert, Livarot ou Pont l’évêque) ou encore des plages du Débarquement… vous pensez immédiatement à une région de France en particulier, non ? «Heûûû là! Nom di Diou !», vous n’avez toujours pas trouvé la réponse ! Mais si, dans cette région, souvent bah, « y’r’pleut »… Ah enfin, « la queue du chat est bien venue » (tout fini par arriver), bien sûr c’est la Normandie. Au-delà de ces clichés qui collent à la Normandie comme un caramel au beurre salé colle à vos dents, cette région est avant tout une terre de tradition à l’important patrimoine architectural (témoignant de la puissance du duché de Normandie au Moyen Âge) et aux paysages exceptionnels encore marqués par les stigmates de la guerre. Que vous souhaitiez parfaire votre culture en visitant châteaux, abbayes, cathédrales (comme celle de Bayeux) ou basiliques (comme celle de St Thérèse de Lisieux), jouer les gourmets (et les gourmants) en parcourant la route du cidre ou des fromages, ou simplement profiter de la quiétude du bocage ou de la fureur du débarquement allié, un voyage en Région de Normandie vous offre cette infinité d’expériences. Alors cap sur cette région « carte postale » entre terre et mer si proche de Paris…
Un cinéaste peut-il rêver d’un scénario plus épique que le Débarquement sur les plages de Normandie, la plus impressionnante et la plus célèbre des opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale ? Dès l’aube du 6 juin 1944, le D-day, quelque 156 000 soldats des forces alliées montent à l’assaut du « le Mur de l’Atlantique ». Cette épopée est devenue une trame idéale pour les cinéastes et scénaristes après la guerre: une mission dangereuse mais cruciale, le courage des soldats, l’expertise stratégique d’Eisenhower, l’implication de toutes les forces antinazies… Comme la plupart d’entre nous, j’ai vu les deux films de référence à savoir « Le jour le plus long » de Zanuck et « Il faut sauver le soldat Ryan » de Spielberg mais aussi des séries télévisées telles que « Frères d’armes » (Band of Brothers). Mais en se retrouvant en Normandie, véritable musée à ciel ouvert, où de nombreuses traces du débarquement et de la fureur de bataille sont encore visibles (batteries, bunkers, cimetières…) la réalité dépasse largement la fiction et vous serre le cœur. Je retrouve les noms mythiques que j’avais entendus dans les films: Utah Beach, Juno Beach ou encore Omaha Beach. Entre Omaha Beach (à l’est) et Utah Beach (à l’ouest), la pointe du Hoc fait partie des incontournables à visiter: « La Pointe du Hoc devait être prise, le succès du Débarquement en dépendait ». Cet éperon rocheux situé entre deux plages magnifiques, constitue un promontoire offrant une vue superbe sur la côte normande. Et c’est bien pour cela que les Allemands y avaient bâti une batterie d’artillerie, afin de se prémunir contre un débarquement allié. Les stigmates de la bataille menée par les Rangers du Colonel J.E Rudder le 6 juin 1944, sont toujours visibles. Point stratégique du « Mur de l’Atlantique », l’assaut de la pointe du Hoc fût l’une des batailles les plus difficiles du débarquement. Après deux jours et deux nuits, sur les 225 Rangers américains qui se sont lancés dans l’escalade des falaises (hautes de 30 mètres) sous le feu nourri de l’ennemi, seuls 90 Rangers étaient encore debout en état de poursuivre la libération… Aujourd’hui encore, on peut ressentir l’intensité féroce des combats en marchant au milieu de ce paysage lunaire, marqué de profonds cratères formés par impact des bombes (pilonnage des côtes par l’aviation anglaise et américaine), et en découvrant les vestiges de blockhaus, de batteries d’artillerie avec leur poste de direction de tir, leur casemate, leur abri… Enfin, vous avez aussi la possibilité de revivre le débarquement lors de visites guidées à bord d’une jeep Willys, d’un véhicule blindé ou d’un camion amphibie, tous d’époque !
Autre témoignage poignant de cette grande bataille, la région est jalonnée de nombreux cimetières où des milliers de tombes de soldats entretiendront à jamais le devoir de mémoire. Le cimetière militaire allemand de Saint-Désir (à la sortie de Lisieux en direction de Caen) est un lieu de mémoire et d’émotion où 3735 soldats allemands tombés pendant la Bataille de Normandie reposent. Juste à côté du cimetière allemand, se trouve un cimetière militaire britannique de 598 tombes. Ces deux cimetières sont reliés par une allée baptisée « Allée de la Paix », tout un symbole. Ici, je trouve qu’on ressent à la fois l’horreur et l’héroïsme de la guerre et j’ai les paroles de cette chanson de JJ Goldman qui tourne en boucle dans ma tête : « On saura jamais c’qu’on a vraiment dans nos ventres / Caché derrière nos apparences / L’âme d’un brave ou d’un complice ou d’un bourreau ? / Ou le pire ou le plus beau ? / Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d’un troupeau / S’il fallait plus que des mots ?… Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps / D’avoir à choisir un camp » (Jean-Jacques Goldman – Né en 17 à Leidenstadt). Au cœur des plages du débarquement, se niche le cimetière américain de Colleville sur Mer. Le terrain, d’une superficie de 70 hectares, a été concédé à perpétuité par le gouvernement français au gouvernement américain, selon la formule consacrée: « En témoignage de la reconnaissance de la France envers le sang versé ». Le cimetière surplombe la plage d’Omaha Beach, et rassemble les tombes alignées de 9387 soldats, hommes et femmes tombés au combat. Les tombes sont surmontées d’une stèle de marbre blanc d’Italie en forme de croix latine, ou d’une étoile de David. Quatre femmes sont inhumées dans ce cimetière et le neveu du président Théodore Roosevelt, Médaille d’Honneur du Congrès à titre posthume, y repose lui aussi. Cela peut paraître étrange mais sur aucune des croix ou étoiles n’est mentionné la date de naissance ou l’âge du soldat tué – la raison de ce choix serait le manque de place sur la croix… Enfin, pour les soldats dont l’identité n’a pas été retrouvée, la croix, ou l’étoile, porte la mention: « Here rests in honored glory / A comrade in arms / Known but to God » (« Ici repose dans la Gloire et dans l’Honneur / Un compagnon d’armes / Connu de Dieu seul). Cela m’a fait repenser à un dialogue entre un petit garçon et son grand-père dans la série « Frères d’armes ». Lorsque son petit garçon lui demande « papy c’est vrai que tu étais un héros ? », le vétéran Dick Winthers lui répond: « Non mon fils, je n’étais pas un héros, mais nous étions des frères d’arme, nous étions plus que des héros ».
Une plage dorée, où les oiseaux virevoltent et l’écume roule… Tout est si beau sous le soleil couchant, et pourtant ce lieu a quelque chose de solennel et de déchirant. Je me souviens encore de cette fameuse réplique du Général Norman Cota (joué par Robert Mitchum) dans « Le jour le plus long » : « Il ne reste, et vous le savez tous, que deux sortes d’hommes sur cette plage : ceux qui sont morts, et ceux qui vont l’être. Alors bougez-vous les fesses, la 29ème ne se dégonfle pas ! ». Mais sur cette plage du Débarquement d’Arromanches, on ne commémore pas seulement un sacrifice, mais aussi une prouesse technique incroyable. Les troupes alliées y ont construit un port artificiel à l’aide de blocs de béton énormes (19 tonnes chacun) et de passerelles métalliques (de 24 mètres de long et d’un poids de 28 tonnes) rapportés d’Angleterre. Le texte écrit sur la façade du Musée du Débarquement, nous rappelle cet évènement historique avec poésie: « Ils ont construit un port / Au beau milieu des flots / Ils ont construit un port / Sur le corps des bateaux / Et par nuit de brouillard / On devine sous l’écume / Absorbés par le soir / Tes pontons dans la brume ». Comme un immense Meccano, les passerelles métalliques ont été déposées sur les blocs de béton (baptisés caissons Phoenix). Des tronçons de 150 mètres de long, composés chacun de cinq passerelles, ont été acheminés à travers la Manche avant d’être reliés entre eux… Au total, les alliés ont réussi à assembler plus de 15 kilomètres de voies flottantes formant une gigantesque digue artificielle qui a permis d’approvisionner les troupes débarquées en armes et en munitions. Développé dans le plus grand secret sous le nom de code « Mulberry » (mûre) à partir d’août 1943, le projet de pont artificiel a été testé en Ecosse dans le golfe de Solway Firth. Au départ, trois concepts de port différents étaient en compétition: les ponts « crocodile » de Hughes avec ses éléments flottants, le « balancier suisse » d’Hamilton et les « baleines » flexibles de Beckett fixées sur des pontons flottants… C’est finalement une tempête qui a départagé les trois concurrents en lice: seules les fameuses « baleines » sont restées intactes et ont démontré leur efficacité ; le « balancier suisse » a été emporté par la mer en furie et les « crocodiles » n’ont pas supporté la violence de l’eau !
Ce matin, il y a beaucoup de monde sur la plage à marée basse, Des promeneurs isolés ou en groupe marchent à petits pas sur cette plage, chacun dans ses pensées… Quelques morceaux de béton jaillissent ici et là de l’eau bleue, vestiges aux formes mystérieuses de cette prouesse technique. On peut toucher, contourner certains de ces grands caissons allongés sur le sable depuis 1944, caissons sur lesquels de petites algues ont réussi à force de persévérance à se nicher dans les alvéoles du béton. On a du mal à s’imaginer qu’en quelques mois de fonctionnement, ce port artificiel fondé sur ces caissons de béton et ces structures métalliques baptisées « Whales » (baleines), a permis le débarquement de 2,5 millions d’hommes, 500 000 véhicules et 4 millions de tonnes de marchandises. Démontés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis vendus, il subsiste encore aujourd’hui, une dizaine de passerelles (ou ponts d’Arromanches) encore utilisées dont deux se trouvent sur le Territoire de Belfort : le pont de Foussemagne et le pont de Chaux qui méritent le plus profond respect patrimonial.
« A tantôt ».
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