Escapades givrées à Luleå en Laponie suédoise

La Laponie suédoise couvre un quart de la Suède, s’étendant depuis Sorsele et Skellefteå, dans la région du Västerbotten, jusqu’aux confins nord du pays. Montagnes, forêts, lacs, rivières et archipels sauvages façonnent ce territoire du nord. Ville portuaire située au bord du Golfe de Botnie, Luleå est la plus grande ville de la Laponie suédoise. Une des particularités de la ville, c’est son port (le cinquième plus grand de Suède) qui fonctionne toute l’année grâce à sa flotte de brise-glace ! Afin de garantir la régularité du trafic en hiver lorsque l’étendue de glace couvre le golfe de Botnie et une partie de la mer de Botnie, ces navires, à la coque ultra renforcée créent des routes maritimes à travers la mer gelée pendant environ 5 mois. Et devinez quoi ? Une des activités les plus prisées à Luleå, est de monter à bord d’un ancien brise-glace reconverti en bateau touristique…

Embarquez à bord d’un brise-glace pour une croisière complètement givrée

En hiver, la glace commence habituellement à se former dans le Golfe de Botnie au cours du mois de novembre et atteint sa plus grande épaisseur entre la fin du mois de février et mi-mars. Si au début de l’hiver la glace a une épaisseur de 30 à 50 centimètres, fin mars elle peut parfois atteindre jusqu’à 2 mètres d’épaisseur. C’est au large de Piteå (à environ 45 kilomètres de Luleå), que nous attend l’Arctic Explorer, un brise-glace de couleur rouge et blanche qui trace sa route sur la mer gelée de Botnie. Embarquement immédiat pour une croisière atypique et une baignade complètement givrée au milieu de gros glaçons…

Luleå, le brise-glace Arctic Explorer

Un brise-glace, qu’est-ce que c’est ?

Le brise-glace est un navire capable de briser la glace comme l’indique son nom. En hiver, il dégage les voies maritimes, les ports, pour que les bateaux de commerce et de pêche puissent circuler à leur guise sans problème. Il a également un rôle d’assistance lorsque les bateaux sont coincés par mégarde dans les glaces.

Pour être qualifié de brise-glace un bateau doit avoir trois caractéristiques:

• Une coque renforcée pour naviguer dans la glace.
• Une étrave (la pièce du bateau qui termine la coque vers l’avant) de forme arrondie et convexe. La forme convexe de la coque permet au bateau de se hisser sur la glace et de la briser grâce à son poids et à sa puissance.
• Une puissance suffisamment importante pour être capable de monter sur la glace et de la briser. La pénétration dans les glaces est d’autant plus facile lorsque l’angle d’approche avoisine les 90°. Il faut éviter que le navire se fasse chasser par la glace, dévie de sa trajectoire, et se retrouve dans une position incommode pour pénétrer dans la banquise.

Le brise-glace Arctic Explorer

Le brise-glace Arctic Explorer vous invite à son bord pour une croisière atypique ! Embarquement immédiat mesdames et messieurs…

« Attention, mesdames et messieurs, dans un instant, ça va commencer
Nous vous demandons évidemment d’être indulgents
Le spectacle n’est pas bien rôdé, laissez-nous encore quelques années
Il ne pourrait que s’améliorer au fil du temps »
(​​​​Attention, mesdames et messieurs – Michel Fugain)

L’Arctic Explorer démarre. Bien emmitouflés, munis de nos gants et d’un bonnet, nous passons la porte vers l’extérieur pour braver le vent glacial et admirer le paysage. Première impression « à chaud » depuis la proue où l’on voit la glace se briser: ça vibre et le bruit de la glace autour de la carène est impressionnant ! On se penche alors à bâbord ou à tribord, pour voir les énormes blocs de glaceflotter autour du navire… A l’arrière du bateau, on distingue nettement la route tracée par le navire qui a écrasé et brisé la glace sous sa coque.

Brise-glace: les énormes bloc de glace

Lorsque le brise-glace pénètre dans les glaces, il est important qu’il le fasse à faible allure de manière à ne pas endommager la structure du navire. Une fois dans les glaces, le bateau adapte son allure en fonction de l’épaisseur de glace présente. Il faut trouver le compromis entre une allure suffisante pour arriver à briser la glace et éviter de rester bloqué, et une allure assez faible pour ne pas endommager la coque.

Route tracée par le brise-glace

L’Arctic Explorer date de 1962 comme en témoigne la cloche du navire en bronze avec sa corde (cordage tressé servant à actionner le battant). Mesurant 38 mètres de long pour 10 mètres de largeur, ce brise-glace peut accueillir jusqu’à 80 passagers. Rénové en 2004, ce navire qui a ouvert des chenaux de navigation à travers la mer gelée pendant de nombreuses années, entame une seconde carrière en tant qu’attraction touristique. Avec ses 332 tonnes et son moteur diesel 6 cylindres, l’Arctic Explorer a une certification glace 1A, ce qui signifie qu’il peut naviguer dans des conditions de glace difficiles (épaisseur de la glace jusqu’à 0,8 mètre). Sur le bateau, on est libre de déambuler à notre guise de quoi satisfaire notre curiosité: salon cosy, salle des machines et même le poste de pilotage avec sa roue de bateau (ou barre de roue marine), « Ô Capitaine, mon Capitaine »…

Brise-glace, la cloche du navire

Plongeon dans le grand bain glacé

L’Arctic Explorer stoppe sa progression. Il est temps pour les passagers de se jeter à l’eau… et de se baigner dans la piscine façonnée par le navire. Heu, moi je crois que j’ai oublié mon maillot de bain en partant de l’hôtel ce matin ! Rassurez-vous, pour cette baignade dans la mer gelée, vous êtes équipé d’une combinaison de survie isolante en néoprène avec capuche et gants. C’est donc déguisé en un dinosaure orange bien connu des enfants que vous vous dirigerez vers l’île aux glaçons…

« Voici venu le temps
Du froid et du vent
Dans l’Ile aux glaçons
C’est ce jour où nous nageons
C’est le pays joyeux
Des phoques amoureux
Des poissons gentils
Oui, c’est un paradis »
(L’île aux enfants, librement revu et adapté aux circonstances)

Pas facile de sauter le pas… Vous marchez lentement sur de la glace un peu abrasive. Vous regardez en direction de la banquise ou du bateau, avec l’assurance de celui qui emmitouflé dans sa combinaison « Casimir », ne craint rien. Avant de vous jeter à l’eau, vous vous asseyez au bord du grand bain découpé dans la glace et vous comptez sur vos trois doigts (à cause des moufles) ceux qui ont osé descendre. A présent, il est temps de vous lancer. Allez, « Il fait beau / Beau temps pour se jeter à l’eau » chante Jean-Louis Aubert ! Combinaison, cagoule, moufles à trois doigts: vous êtes protégé de la tête aux pieds, paré à subir sur la peau de votre visage la morsure de cette eau glacée. Finalement, on glisse dans l’eau où l’on flotte grâce à la combinaison: quelle impression étrange ! La meilleure façon de profiter de cette baignade dans les eaux glacées du Golfe de Botnie, consiste à flotter sur le dos, tout en profitant du bleu du ciel et du blanc de la glace. Vous souriez mais vous ne sentez plus votre visage… Promis, après cette expérience, je m’offre un méga Gloubi-boulga suédois !

Brise-glace, baignade dans les eaux glacées

Si vous n’êtes pas tenté par l’expérience « Baignade », vous pouvez simplement descendre du bateau et déambuler sur la banquise, autour de « la piscine ». Se dire que l’on marche sur l’eau a quelque chose de biblique !

Sortie en motoneige dans l’archipel de Luleå

Prises par les glaces durant les mois d’hiver, les eaux du Golfe de Botnie deviennent aussi un terrain de jeu idéal pour profiter des activités d’hiver. Et en hiver, pas besoin de prendre un ferry pour faire le tour de l’archipel de Luleå: optez pour une balade en motoneige !

L’archipel de Luleå

L’archipel de Luleå compte 1 312 îles et offre des kilomètres de vastes paysages blancs à explorer à deux pas de la ville ! Il fait partie de l’archipel de Botnie, qui s’étend de Skellefteå au sud à Haparanda à la frontière finlandaise au nord-est. L’archipel de Luleå est relativement peu profond, avec une moyenne de seulement 10 mètres. C’est l’archipel d’eau saumâtre le plus septentrional au monde: l’eau n’est ni salée ni douce ! Certaines îles disposent de saunas, de restaurants et de cottages. Aujourd’hui, les villages de pêcheurs sont peuplés d’estivants à la belle saison. Si vous préférez la solitude, d’autres îles sont totalement dépourvues d’installations et offre de magnifiques plages désertes. « Seul sur le sable les yeux dans l’eau… »

L’archipel de Luleå

Si vous vous intéressez un peu à la géologie, on trouve dans l’archipel un type de roche typique à Uddskäret et Brändöskäret: la monzonite d’Haparanda composée de gros cristaux blancs et noirs. Pour les botanistes en herbe, on trouve aussi la petite fleur Euphrasia bottnica de Hindersön, que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde. L’euphraise est une petite plante bien connue pour ses propriétés apaisantes, antibactériennes et anti-inflammatoires pour les yeux.

La motoneige, qu’est-ce que c’est ?

Motoneige, skidoo, scooter des neiges… Les dénominations de cette moto montée sur des patins sont multiples mais l’image qu’elle évoque est souvent celle de chevauchées sauvages dans les grands espaces enneigés ! Ce moyen de locomotion ne nécessite ni route ni piste préparée et il a la capacité d’aller partout, ou presque, procurant un immense sentiment de liberté. Saviez-vous que les premières motoneiges ont été fabriquées en 1936 par l’entreprise canadienne Bombardier ? Elles ont été commercialisées sous le nom de « ski-doo » en raison d’une erreur de frappe sur les publicités ! A l’origine, le nom devait être « ski-dog » en référence aux chiens de traîneau. Voilà pour la petite anecdote… Aujourd’hui la motoneige est comparable à une grosse moto (une cylindrée de 500 à 1000 cm³) conçue pour emmener un passager et le pilote. Si c’est un moyen de transport très utilisé dans le nord canadien ou en Scandinavie, la motoneige est aussi devenue un engin récréatif et sportif: la motoneige freestyle est aujourd’hui un sport à part entière !

Motoneige, passager et pilote

Excursion en motoneige sur la mer gelée de Botnie

Notre aventure en motoneige commence depuis le Brändön Lodge, situé à environ 35 minutes en voiture au nord de Luleå… et à 2188 kilomètre de Paris ! Après un briefing sur la conduite d’une motoneige et les consignes de sécurité à respecter, prenez place à bord de l’une des motoneiges en tant que pilote ou passager. Quid de la conduite ? Elle semble plutôt simple. Pour accélérer, vous appuyez sur une gâchette avec le pouce et pour freiner, vous avez des poignées comme sur un vélo. Voilà pour le bé-ABBA ! Alors, êtes-vous prêts à découvrir de nouvelles sensations au guidon d’un scooter des neiges, à travers de de grandes étendues blanches ? (Oh) mamma mia! J’suis plus très sûre…

Motoneige sur la mer gelée de Botnie

On évolue d’abord sur la mer gelée, une grande étendue blanche à perte de vue. Seules quelques cabanes de pêcheurs viennent rompre cette monotonie. On a l’impression que cette grande étendue blanche est plate mais pas du tout… c’est un champ de creux et de bosses ! Il faut bien penser à ralentir avant les bosses et ne pas freiner brutalement. Et pensez aussi à votre passager qui aura froid et mal au dos bien avant vous, notamment sur ce terrain accidenté ! On oscille à une vitesse moyenne comprise entre 20 et 60 km/h, ce qui est amplement suffisant pour avoir des sensations de glisse tout en profitant du panorama. Sous les rayons du soleil, la neige a parfois l’éclat du diamant. A d’autres endroits, la poudreuse est si épaisse que le paysage semble recouvert d’une énorme crème chantilly. Après s’être repus de paysages enneigés, il est temps de faire une pause ou « fika » dans cette excursion, en partageant un café et une petite douceur sucrée…

Motoneige à travers les forêts enneigées et les lacs gelés.

Après cette pause-café bienvenue et traditionnelle, nous enfourchons à nouveau nos engins, changeons les rôles de conducteurs et de passager (enfin pour ceux qui le souhaitent) et reprenons notre route. On évolue en forêt à l’écart des habitations, où ne croise pratiquement personne… La neige couvre encore la plupart des surfaces mais on sent déjà la nature pointer sous l’épaisse carapace neigeuse. Ici et là, la nature émet son désir d’un retour à la vie et à la lumière. On a vite le sentiment d’être à nouveau seul au monde.

Filets de pêche

Pourtant on aperçoit des traces de civilisation ici et là: quelques maisons de bord de plage, un emplacement à pique-nique, des filets de pêche. La conduite de la motoneige en soi est assez facile, car vous n’avez pas à changer de vitesse. Il faut cependant garder à l’esprit que le guidon d’une motoneige n’est pas aussi maniable que celui d’une moto ou d’un vélo. Oubliez la direction assistée et évitez aussi les virages secs sous peine de tirer tout droit ou de coucher l’engin. Vitesse, vent, vibrations, après quelques heures l’aventure prend fin. Après l’effort, le réconfort: le moment est venu de déguster une bon « Palt » pour reprendre des forces et prolonger ce bon moment de découverte. Le « Palt » est une boulette de pommes de terre traditionnelle suédoise fourrée à la viande, traditionnellement servi avec du beurre et de la confiture d’airelles. C’est bon et ça tient au corps.

Smaklig måltid.

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