Ni hao,
La province du Fujian, en abrégé « Min » se situe dans le sud-est de la Chine, en bordure de la mer de Chine orientale, face à l’île de Taïwan. Si le Fujian est résolument tourné vers la mer (un carrefour de communication de la mer de Chine orientale et de la mer de Chine méridionale) s’immerger dans cette région c’est aussi découvrir des montagnes ondulées, des rivières et des ruisseaux qui s’entrecroisent ou encore de fascinants monuments historiques. Alors, prêts pour le voyage ?
Commençons par une petite devinette… Les satellites américains nous ont prises pour des silos nucléaires mais les espions de la CIA dépêchés sur place ont constaté que nous n’étions en fait que d’innocentes maisons en terre. Nous avons été construites par la minorité ethnique Hakka lors de leur arrivée dans la région du Fujian. Les plus vieilles d’entre nous ont plus de 1200 ans ! Nous sommes faites de terre, pierre, bambou et bois et sommes rondes ou carrées. Nous sommes toujours habitées et plus de 600 personnes peuvent vivre dans une seule maison. Qui sommes-nous ? Nous sommes… – allez un petit effort… – nous sommes les stupéfiantes maisons de terres du Fujian ou les Tulous (土楼 ; pinyin: tǔlóu, littéralement « construction de terre »), classées en 2008 au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco ! Ce qui est extraordinaire avec les maisons des Hakkas, c’est leur simplicité: faites majoritairement de terre, la plupart sont rondes (le cercle étant le symbole du ciel), mais dans un souci d’harmonie on trouvera aussi des maisons carrées (symbole de la terre). Les Hakka, minorité longtemps opprimée en Chine, ont construit ces maisons sur le modèle des forteresses. L’unique porte d’entrée (donnant sur une rivière) leur permettait de lutter contre les agressions extérieures. Chaque maison est un univers clos. En se plaçant au centre d’un Tulou, on se sent au centre de la place du village. Le rez-de-chaussée (sans fenêtre) est occupé par les cuisines et la basse-cour… des poules rousses et dodues filent entre mes pattes… Le premier étage (toujours sans fenêtre) sert de zone de stockage. Aux 2ème et 3ème étages, auxquels on accède par des escaliers en bois, se trouvent les chambres dont les balcons regorgent de linge séchant au soleil. Le temple où repose la divinité devant laquelle on vient brûler des bâtons d’encens sert aussi à entreposer motos, vélos ou poussettes. Et quand vient la nuit, les lanternes traditionnelles illuminent les magnifiques travées de bois.
La plupart des maisons sont construites selon des principes Feng Shui pour assurer combinaison et harmonie entre l’homme et la nature. En vertu du Feng Shui, les Tulou sont souvent installés près d’une rivière, ici entourée de champs de bananiers. Bien utile pour les habitants qui y puisent leur eau alors que s’y promène en toute tranquillité un groupe d’aigrettes ! L’humidité ambiante est aussi un véritable paradis pour les libellules qui voltigent autour de nous, offrant un magnifique ballet aérien coloré. On découvre un pays préservé, où à l’ombre des maisons rondes, les habitants cultivent toujours du chou, du tabac, des massifs de bambous géants, des plantations de fruits de la passion ou des buissons de thé, ces deux derniers ayant des fleurs que l’on ne peut qu’admirer !
Les cultures en terrasses occupent le moindre recoin des vallons: c’est un véritable potager à ciel ouvert ! En Chine, le Fujian compte parmi les plus importantes provinces de thé. Elle est importante sur un plan historique car c’est à partir de ses ports que les premières cargaisons de thé ont été embarquées vers l’Europe. Elle est également importante sur le plan du thé lui-même car le Fujian est la seule province du pays où l’on cultive le thé Oolong ou Wūlóng (dragon noir) qui trouve son origine dans une légende chinoise: un planteur vit surgir un dragon noir d’un théier dont les feuilles ont révélé les notes boisées de châtaigne et de noisette du Oolong. Ce thé est également désigné en Chine à partir de la couleur de son infusion: il est dit thé bleu-vert. C’est avec Jiang Jianlin que j’ai pu découvrir la cérémonie du thé dans le Tulou « Zhengcheng Lou ». Pour compléter ce tableau qui semble tout droit sorti d’un autre siècle, l’arbre à prières trône au bord de la rivière. L’arbre sert de support à des prières écrites sur des rubans de tissu rouge accrochés aux branches. L’arbre de préférence très ancien véhicule les prières (qui peuvent être de tout ordre et concerner aussi bien les besoins financiers qu’affectifs) aux dieux et esprits. La croyance populaire chinoise étant polythéiste, en accrochant son ruban à l’arbre on ne sait quelle divinité exaucera ses vœux…
En attendant que nos vœux soient exaucés, dirigeons nous vers le plus ancien village du Fujian, qui dispose d’un style d’habitation totalement différent de celui des Tulou, surnommé « palais impérial populaire ». Le village de Peitian est connu pour ses bâtiments bien conservés datant des dynasties des Ming et des Qing. Autour du village s’étendent des rizières, des champs de cacahuètes et des cultures en terrasses qui occupent là aussi la moindre parcelle de terre. Vaste de 13,4 km2, le village abrite aujourd’hui une trentaine de bâtiments, 21 temples des ancêtres, six écoles et deux portiques commémoratifs. L’eau serpente dans des rigoles de chaque côté des rues et les villageois y lavent le linge qu’ils suspendent ensuite pour un séchage au soleil. Ah, si vous vous demandez ce qu’il y a écrit sur le panneau, c’est le mot « Thé ». En remontant plus avant la rue, on tombe sur des joueurs plongés dans une partie animée de Majhong…. puis sur une vieille femme qui étale son riz sur des séchoirs, au soleil. Là aussi, on a l’impression que le temps est figé depuis des siècles…
Zaijian.