Les parcs nationaux sont bien davantage que des espaces sauvages préservés. Ils ont le pouvoir d’éveiller nos sens et de nous faire sentir vivant. Leur beauté offre une échappatoire à l’agitation et au stress mais aussi la possibilité de vivre des moments inoubliables. Comme John Muir l’a écrit, ils nous instillent le désir de « jeter une miche de pain et une livre de thé dans un vieux sac, et de sauter par-dessus la clôture ». Alors prenons notre vieux sac à dos, enfilons nos chaussures de randonnées et partons à la découverte du parc national d’Acadia, au large de la côte Atlantique, dans l’État du Maine. Ce parc se trouve à la rencontre de la mer et des montagnes, là où la beauté de la côte nord-est américaine ne fait qu’un avec les paysages rocheux escarpés et les immenses forêts. Sur une étendue sauvage et préservée, le visiteur appréciera les plages battues par des vagues, la spectaculaire côte rocheuse, les montagnes littorales, les îles et les lacs paisibles mais aussi les caprices des vents de l’Atlantique…
L’ocean path: un endroit où les montagnes touchent la mer…
« L’ocean path » est sans doute la randonnée la plus populaire et la plus pittoresque du parc national d’Acadia. Le sentier débute à Sand Beach et vous emmène jusqu’à Otter Cliff. Il suffit de mettre le pied sur ce sentier pour respirer l’océan sous les grands arbres et ne plus entendre que le large. Ce chemin de randonnée permet de découvrir le magnifique littoral avec ses formations de granit rose déchiquetées résistant à l’assaut incessant des vagues de l’océan. Sand Beach est composée principalement de sable, de morceaux de coquillages, et d’autres parties marines comme des brisures de moules et d’oursins. Seuls les plus téméraires iront nager dans les eaux glaciales qui, même à la fin de l’été, dépassent rarement les 13°C. Ici, le climat est soumis à l’influence maritime: les températures sont plus basses qu’à l’intérieur des terres et les précipitations sont plus abondantes. Les tempêtes de neige sont fréquentes en hiver voire jusqu’au milieu du printemps et le brouillard peut surgir en toute saison !
« Là, le bruit des vagues et l’agitation de l’eau, fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeait dans une rêverie délicieuse »
(Jean-Jacques Rousseau – Les rêveries du promeneur solitaire)
Le long de la côte, les promontoires rocheux subissent de plein fouet l’assaut du vent et des vagues de l’océan. Le bruit des vagues ponctué par le cri des goélands, l’air iodé, la vue du grand bleu et de quelques dauphins qui nagent au loin nous accompagne sur cette randonnée le long de la côte. Ce littoral est constamment déchiqueté: de grosses roches de granit dégringolent, transformant de nombreuses criques en belles plages de gros galets. Les formations granitiques s’élèvent de façon spectaculaire au-dessus de l’eau, tels des colosses de pierre gardant l’océan. Parfois ces tas de pierres sont dans un équilibre délicat comme si la nature s’adonnait au « stone stacking » ou « rock balancing » popularisé par les artistes Michael Grab et Bill Dan. Nous on débute dans le « stone balancing » alors on a juste fait un cairn sur la plage…
Les plages face à l’océan à peine abritées par des promontoires rocheux sont constituées de gros galets roulés et arrondis par les vagues. C’est le cas de Boulder Beach (nom officieux) qui est couverte de milliers de rochers ronds de la taille d’une boule de bowling. Depuis Boulder Beach, on peut déjà apercevoir Otter cliff, une zone où les formations granitiques s’élèvent au-dessus de l’eau, très appréciée des grimpeurs. Du côté de Otter cliff, le sentier serpente dans la forêt de conifères qui bordent l’océan. C’est l’occasion de faire de belles rencontres au détour du chemin: un écureuil qui savoure son repas, un carouge à épaulettes femelle ou encore un papillon monarque qui butine, aisément reconnaissable à ses ailes orange vif couvertes de veines noires et bordées d’une bande noire à points blanc. Saviez-vous que la couleur du monarque dit aux prédateurs: « Attention, ne me mange pas, je suis toxique ! ». Le papillon monarque (Danaus plexippus) obtient sa toxine de l’asclépiade. Les œufs et les chenilles du monarque se développent sur la plante, qui représente leur unique source de nourriture. Le latex toxique de l’asclépiade confère au monarque son mauvais goût lui évitant d’être consommé par les oiseaux… Mais la chose la plus étonnante concernant ces papillons monarques est que ceux-ci sont des voyageurs internationaux. Chaque automne, à l’approche du froid, des millions de ces papillons orange et noir quittent le Canada et le nord des États-Unis pour passer l’hiver au Mexique, à plus de 3 200 kilomètres ! Et au printemps, ce sont leurs descendants qui reprennent la route du nord.
Le parc d’Acadia vu de l’intérieur: le Jordan Pond et les Bubble Mountains
A l’intérieur des terres, loin des falaises et du déferlement des vagues, le parc national d’Acadia nous offre son côté paisible et bucolique: un véritable havre de paix aux immenses forêts où coulent les rivières et scintillent les lacs ! Ici, on observe les traces de la période glacière avec les vallées en U dans lesquelles s’étirent de longs lacs et se dressent des montagnes arrondies.
« Je suis comme un océan transformé en lac et qui aurait la nostalgie de ses marées, de ses vagues et de ses tempêtes ».
(Geneviève Dormann femme de lettres et journaliste française)
Situé à proximité de Northeast Harbor où plane encore le souvenir de Marguerite Yourcenar et de sa demeure « Petite Plaisance » (c’est ici qu’elle écrivit Les Mémoires d’Hadrien, en 1951), le Jordan Pond est l’un de ces magnifiques lacs issus de la période glacière. La vue sur le lac Jordan Pond avec les Bubbles Mountains en arrière-plan, est une des icônes du parc. L’eau y est exceptionnellement claire avec une visibilité jusqu’à une profondeur de 14 mètres. Bien que cette eau limpide soit une invitation à la baignade, il est interdit de patauger ou de nager dans le lac car il s’agit de la source d’eau approvisionnant Seal Harbor.
Les denses forêts qui poussent le long des berges du lac Jordan Pond invitent à la promenade. La forêt abrite une flore abondante. Plus de 500 variétés de plantes foisonnent dans le parc comme ce rosier arctique ou cet iris versicolor. Une boucle très facile de 5,4 kilomètres longe les rives du lac. Du côté nord, le sentier est aménagé avec des ponts en bois qui passent au-dessus de deux grands ruisseaux qui se jettent dans le lac. C’est ici que vous aurez peut-être la chance d’apercevoir le plongeon huard. De la taille d’une oie, cet oiseau est aisément reconnaissable à son dos parsemé de taches noires et blanches comme un damier. Son bec est noir et effilé comme un poignard ce qui lui permet de se nourrir surtout de poisson qu’il poignarde en plongée ! Comme son nom l’indique, cet oiseau plonge pour chasser et peut effectuer des plongées à douze mètres de profondeur. Il est aussi capable de rester en apnée pendant trois minutes. C’est un oiseau aquatique qui a besoin de beaucoup d’espace, genre vingt à quatre-vingt hectares pour être à l’aise. C’est pourquoi on ne dénombre, en général, qu’une poignée de couples sur un grand lac. Outre le plongeon huard, le parc est aussi le refuge de prédilection de plus de 350 espèces d’oiseaux répertoriées. Guettez le Pic Mineur, le Pygargue à tête blanche ou encore la mésange à tête noire, oiseau symbole de l’État du Maine.
Pour ceux qui cherchent à pimenter la randonnée autour du lac Jordan Pond, pensez à prendre le sentier jusqu’au sommet de South Bubble. Votre route croisera peut-être celle de l’une des 40 espèces de mammifères sauvages qui peuplent le parc: l’écureuil (gris et roux), le tamia (ou chipmunk), le cerf de Virginie, l’orignal, le castor, le rat musqué, le porc-épic d’Amérique, le coyote, le lynx, le renard ou l’ours noir (baribal) pour ne citer que ceux-là. On pouvait autrefois croiser des pumas et des loups gris, mais ces prédateurs ont complètement disparu de la région.
Même si aucun mammifère ne croise votre route, la récompense sera au bout du chemin avec une magnifique vue sur les lacs depuis le sommet de South Bubble Mountain qui culmine à 234 mètres. South Bubble possède également un autre atout dans sa manche: Bubble Rock alias Balanced Rock. Ce célèbre bloc rocheux, transporté par les glaciers, a été déposé dans un endroit précaire au bord d’une falaise… Il semble à deux doigts de se détacher et de dévaler le flanc de la montagne. Mais n’ayez aucune crainte: il est dans cette position depuis plusieurs milliers d’années, quoique…
« Même les plus solides rochers vacillent ».
(Johann Wolfgang Goethe – Maximes et réflexions)
Après cette ascension et toutes ses émotions (tombera ou tombera pas ?), offrez-vous un peu de réconfort au Jordan Pond Restaurant en savourant un thé accompagné de petits popovers. Quoi, vous ne connaissiez pas les célèbres popovers ? Rassurez-vous, moi non plus avant de goûter à ce proche parent du Pouding Yorshire ! C’est un petit pain léger, creux à l’intérieur comme un choux, croustillant à l’extérieur et bien doré. A déguster sans modération tout juste sorti du four et nappé de confiture de myrtilles (je vous rappelle qu’on est dans l’État du Maine).
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et toujours ces photos qui transmettent si bien les emotions… Merci, Stephanie (La Route Des Voyages)
« Une image vaut mille mots ». La formule est élégante. Elle serait de Confucius 🙂