- 1 Le Refuge National de Caño Negro, le paradis des oiseaux du Costa Rica
- 2 Les échassiers de Caño Negro: des oiseaux aquatiques aux hautes pattes et au long cou
- 3 Caño Negro: l’observation des oiseaux virtuoses de la pêche
- 4 Découverte de la faune de la réserve de Caño Negro: mon cousin le caïman dit l’oiseau !
- 5 Découvrez mes autres articles sur le Costa Rica
Située dans les plaines du nord, à la frontière avec le Nicaragua, le Refugio Nacional de Vida Silvestre Caño Negro est considéré comme le plus grand marécage du Costa Rica. Peu intégré dans les circuits touristiques en raison de son éloignement – le plus proche village se nomme Los Chiles, à 1h30 du volcan Arenal – la réserve du Caño Negro se visite en canoë, kayak ou petit bateau à fond plat. Sur le Rio Frio, au fil de l’eau vous découvrirez un véritable havre de paix et de tranquillité que seuls le bruit du bateau qui fend l’eau et les oiseaux aux alentours viennent troubler. Attention cependant à ne pas trop laisser trainer vos mains dans l’eau… Des hôtes de marque, appartenant à l’ordre des crocodiliens, digérant paresseusement sur les bords du Rio Frio pourraient avoir les crocs…
Le Refuge National de Caño Negro, le paradis des oiseaux du Costa Rica
Créé en 1984, le Refuge National de Vie Silvestre Caño Negro est une réserve naturelle humide de 100 km2. Cette réserve a été le premier site RAMSAR (zones humides d’importance internationale) désigné au Costa Rica en décembre 1991. Le refuge de Caño Negro est une voie migratoire clef pour les oiseaux qui viennent du nord. La réserve fournit un habitat essentiel à des milliers d’oiseaux résidents et migrateurs. Le meilleur moment pour visiter cette réserve nationale est celui où les oiseaux migrateurs s’y trouvent, soit de janvier à mars. L’observation des oiseaux est généralement plus facile qu’en milieu boisé car on a affaire à des zones ouvertes ou semi-ouvertes: c’est l’endroit idéal pour débusquer des oiseaux en tout genre. De plus, une balade en bateau permet une approche plus efficace: une petit embarcation effraie moins qu’un groupe de marcheurs ! Ornithologues avertis ou ornithologues néophytes désireux d’apprendre et de découvrir l’abondante avifaune de cette réserve, bienvenus à bord de notre bateau. Une belle journée s’annonce pour une navigation sur le canal irrigué par le Rio Frío !
La Réserve de Caño Negro est un endroit magique. On y éprouve un sentiment de paix et de tranquillité, mêlé à l’enthousiasme de l’ornithologue amateur. Dès l’embarcadère nous sommes accueillis par deux tyrans ! Je ne parle pas ici de tyran (τύραννος) au sens grec du terme quoique ces oiseaux, du genre passereaux, sont réputés pour être très combatifs. Malgré leur petite taille de 20 centimètres, les tyrans n’hésitent pas à s’attaquer à plus gros qu’eux pour protéger leur territoire. Ainsi, le tyran ne craint pas de voler sur le dos d’un oiseau plus gros que lui et à lui marteler la tête de coups de bec. Bref, disais-je nous sommes accueillis en fanfare par la famille des passereaux: un tyran du Panama (Myiarchus panamensis), un tyran quiquivi (Pitangus sulphuratus) et un Jacarini noir (Volatinia jacarina). Le tyran quiquivi est très vocal. Son cri le plus courant est un « kis-ka-dee » (Qu’est-ce que tu as dit ?) avec une série plus ou moins longue de « dee »… La famille des Tyrannidés est une famille exclusivement américaine, la plus vaste et la plus riche en espèces du continent. En général, les Tyrans sont gris sur le dessus et jaune sur le dessous. Quant au Jacarini noir, seul membre du genre Volatinia, il a une superbe parade de sauts, donnant à cet oiseau son nom anglais local « Johnny Jump-up ». Comment, vous n’avez jamais entendu la chanson irlandaise « Johnny Jump Up » qui raconte l’histoire d’un homme qui s’attire des ennuis après avoir bu trop de cidre extra-fort ?
Les échassiers de Caño Negro: des oiseaux aquatiques aux hautes pattes et au long cou
La réserve de Caño Negro est une zone humide qui abrite plusieurs centaines d’espèces d’oiseaux. On glisse lentement sur les eaux paisibles du Rio Frio en longeant des microfalaises de terre au pied desquelles pêchent quelques échassiers, immobiles et à l’affût. Cette famille d’oiseaux possède de hautes pattes et un long cou, une morphologie idéalement adaptée à leur mode de vie. Ces deux attributs leur permettent de saisir la nourriture dans l’eau sans mouiller leur plumage !
Sur la rive droite, on aperçoit une grande aigrette (Ardea alba) reconnaissable à son très long cou en forme de S, avec comme une cassure en son milieu. Puis c’est un héron garde-bœufs (Bubulcus ibis) qui arbore son plumage nuptial: des plumes orangées sur la tête, le dos et la poitrine. Oiseau discret, le héron vert (Butorides virescens) présente une calotte cendrée, des yeux jaunes, une gorge marron et un dos vert. Ce petit héron est difficile à repérer en raison de son comportement. D’humeur farouche, il s’envole au moindre danger en poussant son cri « kyowk-kyowk ». Nous longeons maintenant quelques plages de sable sur lesquelles évoluent d’autres espèces d’échassiers, comme le Courlan brun (Aramus guarauna) au plumage brun foncé moucheté de blanc ou la gracieuse échasse d’Amérique (Himantopus mexicanus) aux pattes rouges démesurées. Les Costariciens l’appellent « soldadito » (petit soldat) eu égard à sa démarche qui peut paraître martiale.
L’Onoré du Mexique (Tigrisoma mexicanum) est le plus grand de tous les onorés du Nouveau-Monde ! Son plumage est un mélange subtil de noir, de blanc, de chamois, de châtain et de gris et son bec noir a une forme de poignard. Il pêche en se tenant immobile, à l’affût, à moitié caché par le feuillage et prêt harponner d’un coup de bec rapide une proie qui passe à sa portée. Quant au Jacana du Mexique (Jacana spinosa), il est parfois surnommé le « petit poulet d’eau » ou le « petit poulet mexicain » eu égard à sa vague ressemblance avec une poule. Si le plumage de l’adulte est simple, roux et noirâtre, ses parties dénudées sont quant à elles remarquables: observez son bec jaune et sa caroncule frontale (en forme de petit papillon). Cet échassier marche en levant les pattes, souvent sur la végétation flottante. Avez-vous remarqué ses doigts démesurément longs ?
Caño Negro: l’observation des oiseaux virtuoses de la pêche
Perché à l’extrémité d’une branche échouée au bord de la rivière, un martin-pêcheur d’Amazonie mâle, (Chloroceryle amazona) arbore fièrement son plumage vert, orange et blanc. On observe aussi un martin-pêcheur à ventre roux (Megaceryle torquata) au plumage bleu-gris ardoisé avec son bec particulièrement imposant et puissant qui peut atteindre 8 centimètres. Les plumes du martin-pêcheur sont assurément belles, mais ce n’est pas leur seule qualité ! A l’instant où le martin-pêcheur transperce la surface de l’eau, son duvet épais et serré devient une combinaison étanche extrêmement isolante. Quand ce sera l’heure de la pêche, ses ailes aux rémiges rigides se transforment en deux nageoires contre lesquelles il s’appuiera au moment de jaillir hors de l’eau.
« Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois ». (Jean de La Fontaine – Le Corbeau et le Renard Livre I – Fable II)
Le martin-pêcheur se poste à l’affût en choisissant une branche, un ponton, un bateau ou tout autre support qui offre une vue plongeante sur l’eau, idéalement à un ou deux mètres de hauteur. C’est l’ennemi juré des poissons du Rio Frio: petit Tarpon, Cichlidé Jaguar (Parachromis managuensis), Malachigan ou Bar, méfiez-vous de cet éclair qui plonge, puis ressort de l’eau. Mais attention, la concurrence pour la pêche est rude…
L’impressionnante buse à tête blanche (Busarellus nigricollis) se tient sur un haut perchoir bien dégagé. Ce rapace plonge du haut des airs, les ailes à moitié fermées et les serres bien en avant, généralement où l’eau est peu profonde ou couverte de végétation. Il capture sa proie avec ses serres sans même avoir besoin de s’immerger ! Comme le balbuzard, ses doigts sont recouverts de courts spicules rigides (petits piquants) qui lui permettent d’agripper avec efficacité ses proies réputées glissantes.
Nous continuons notre lente navigation dans la réserve de Caño Negro les yeux aux aguets pour débusquer d’autres porte-plume dans la mangrove. Perché sur une branche, un Anhinga d’Amérique (Anhinga anhinga) se sèche, les ailes ouvertes et la queue écartée avec l’aide du vent et du soleil avant de pouvoir voler efficacement. L’Anhinga d’Amérique est un excellent nageur sur et sous l’eau. Il plonge avec une grande facilité: ses proies sont habituellement harponnées avec le bec, après une poursuite généralement brève ! Cependant, contrairement à la majorité des oiseaux d’eau, les anhingas tout comme les cormorans sont dépourvus de glande uropygienne. En conséquence, leur plumage n’est pas imperméabilisé par un sébum et il est donc mouillable. Après une bonne séance de pêche, le cormoran vigua (Phalacrocorax brasilianus) a aussi besoin d’une séance de séchage perché sur un rocher ou un tronc. Le Cormoran vigua est le cormoran le plus largement répandu en Amérique tropicale et le seul que l’on trouve loin des côtes à l’intérieur des terres. C’est un oiseau au plumage noir violacé très foncé avec des reflets bronze sur les ailes. Ses yeux sont vert-émeraude. Très bon nageur et plongeur, il remplit son plumage d’eau pour augmenter son poids et faciliter la plongée.
Découverte de la faune de la réserve de Caño Negro: mon cousin le caïman dit l’oiseau !
Si le refuge de Caño Negro est l’endroit idéal pour débusquer des oiseaux en tout genre, ce petit coin sauvage abrite une faune variée tout au long du Rio Frío: des tortues à ventre jaune (Trachemys scripta scripta), des iguanes, des paresseux, des singes hurleurs, des basilics qui courent ou non sur l’eau, des caïmans par milliers et même un crocodile américain mesurant presque 3 mètres. Le Refugio Nacional de Vida Silvestre Caño Negro, est complété par une diversité de mammifères… c’est ici que certains visiteurs ont réussi à apercevoir pumas, jaguars et tapirs !
Semblant bronzer tranquillement sur les rives ou nageant dans l’eau, les caïmans à lunettes (Caiman crocodilus) sont omniprésents. Ils nous accueillent la gueule grande ouverte… C’est en fait une stratégie de refroidissement par évaporation de l’humidité buccale, un peu comme pour la transpiration chez les mammifères. Grâce à ce mécanisme de régulation de température, les caïmans peuvent rester plusieurs heures au soleil sans risquer la surchauffe. Bouche ouverte et sourire à pleines dents aguicheur… nous n’y risquerons pas la main pour autant car l’imprudent qui passe à la portée d’un crocodilien devient une proie potentielle ! Sans faire du délit de sale gueule, un seul regard à cet animal et sa longue mâchoire où dépasse des dents aiguisées, permet de se rendre compte de sa dangerosité…
« Les doux sourires coûtent peu quand on a de belles dents. »
(Alfred de Musset – Les deux maîtresses)
Contrairement à leur image de prédateur vorace, les caïmans à lunettes consomment peu car leur métabolisme est assez lent. Il chasse principalement au crépuscule ou la nuit. Immergé dans l’eau, le caïman à lunettes guette une proie facile, puis se jette sur elle et la tue d’une morsure ou l’avale directement. Le caïman à lunettes localise facilement sa proie grâce à ses sens surdéveloppés (odorat, ouïe, détection de vibrations). Ses incroyables capacités à retenir son souffle (jusqu’à 50 minutes en apnée) lui permettent de rester longtemps sous l’eau pour chasser ou digérer. Ses poumons peuvent se déplacer vers l’avant ou l’arrière de son corps ce qui lui permet de garder sa tête au-dessous de l’eau alors que son corps reste, lui, immergé. Cette stratégie de dissimulation est très efficace pour surprendre ses proies.
Mesurant rarement plus de 2,5 mètres, le caïman à lunettes fréquente les eaux douces dormantes et les zones marécageuses, mangroves et fleuves à faible débit de la forêt tropicale immergée. Outre ses yeux verdâtres, ses paupières ridées et sa queue claire rayée de bandes verticales foncées, le caïman à lunettes arbore une crête osseuse entre les yeux qui rappelle la branche médiane d’une paire de lunettes d’où son nom. Sa gueule est quant à elle pointue mais assez arrondie (une caractéristique propre aux alligators). Tout comme l’ensemble des crocodiliens, les caïmans à lunettes ont tous ont un lien très fort à leurs petits. Peut-être faut-il y voir un lien avec l’évolution: les crocodiliens ont le même ancêtre commun (l’archosaure) que les oiseaux, connus eux aussi pour l’attention et le soin qu’ils apportent à leurs progénitures ! En cherchant bien, on pourrait même leur trouver d’autres caractéristiques communes. Aviez-vous remarqué que les oiseaux ont des écailles sur les pattes … comme nos crocodiliens ? Je sais, c’est un peu court comme argument ! En revanche, saviez-vous que les oiseaux et les crocodiliens ont en commun la présence d’un gésier qui grâce à ses contractions et aux petites pierres qu’il contient, permet de venir à bout des aliments les plus résistants… Ils ont aussi un trait commun au niveau des yeux qui sont dotés, en plus des paupières, d’une fine membrane translucide, Cette membrane nictitante permet de voir sous l’eau tout en protégeant les yeux. Quant à leurs œufs, ils sont identiques, c’est-à-dire pourvus d’une épaisse coquille calcaire et cassante. Autre point commun qui faut relever entre les oiseaux et les crocodiliens: avant même d’éclore, les nouveau-nés sont capables de communiquer entre eux et avec leur mère en émettant de petits signaux sonores ! En conclusion, je dirais que la réserve de Caño Negro abrite une grande et très ancienne famille: tous les oiseaux, caïmans et tortues qui peuplent actuellement le refuge sont issus d’un même grand-père dinosaure ayant vécu voici 250 millions d’années…
Découvrez mes autres articles sur le Costa Rica
-
- Voyage au cœur des forêts tropicales du Costa Rica
- Le Costa Rica: un grand réservoir de biodiversité
- Le parc national du volcan Arenal, une merveille naturelle
- Découvrir la faune et la flore du parc national du Volcan Arenal
- Le parc du Volcan Tenorio, le plus céleste
- La tête dans les nuages dans la Réserve de Monteverde
- Explorer la côte pacifique du Costa Rica: le parc Carara
- Explorez la côte pacifique du Costa Rica: le Parc Manuel Antonio