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Quand on imagine la faune africaine, la plupart des gens pensent aux félins ou aux fameux « Big five », les cinq mammifères africains que tous les voyageurs rêvent de voir et de photographier. L’expression « Big five » ne désigne pas les animaux d’Afrique qui sont les plus grands par leur stature mais ceux qui étaient autrefois les plus durs et les plus dangereux à chasser: sa majesté Simba le lion, Sabor le léopard, Dumbo l’éléphant, Rocky the Rhino et le buffle Bogo. Si ces noms ne vous disent rien, il est grand temps pour vous de réviser vos classiques Disney ! S’il est vrai que l’on peut croiser toutes ces « stars animalières » en Namibie, elles ne fréquentent pas forcément les mêmes parcs… Hé oui, le monde du show-biz est impitoyable, on ne fricote pas dans les mêmes endroits ! Par exemple, le buffle est absent du parc national d’Etosha, pourtant le plus grand sanctuaire animalier de la Namibie !

Qu’importe, partons sillonner les nombreuses pistes qui traversent cette réserve immense pour découvrir cette savane qui a inspiré « Le Roi Lion ». On monte le son dans le 4×4 en chantant « Hakuna Matata » à tue-tête ! Le Roi lion n’est pourtant pas à l’origine de cette belle expression qui est bien plus ancienne. Il s’agit d’une devise issue de l’expression swahilie « matatizo Hakuna », signifiant « il n’y a pas de problème ».

« Hakuna matata, mais quelle phrase magnifique, Hakuna matata, quel chant fantastique… Ces mots signifient que tu vivras ta vie, sans aucun souci, philosophie: Hakuna Matata »
Hakuna Matata – Le Roi Lion

La peau de l'éléphant d'Afrique est couverte de rides bien visibles. Ces rides sont plus que de simples plis car elles permettent de réguler leur chaleur corporelle.

 

Les poids lourds de la savane d’Etosha

Vous vous souvenez peut-être de cette réplique de la souris Timothée (Timothy Q. Mouse dans la version anglaise) dans le classique de Disney « Dumbo, l’éléphant volant » :

« C’est de la faute à personne si tu as de grandes oreilles. J’ai compris, il a un complexe, le pauvre. Ecoute Dumbo, moi je les trouve superbes tes oreilles ! Je t’assure, c’est chouette, ça donne de la personnalité. D’ailleurs, des tas de gens célèbres avaient de grandes oreilles ».

Il est vrai que l’éléphant d’Afrique se caractérise par ses larges oreilles plus grandes que celles de son cousin l’éléphant d’Asie. Ses oreilles lui servent à réguler sa température. En effet, comme l’éléphant ne transpire pas, une des solutions pour se rafraîchir est de battre ses oreilles. La peau ridée de l’éléphant a une épaisseur de 2 centimètres et est peu poilue ce qui la rend sèche et fragile. Cependant ces rides sont plus que de simples plis ! La peau est tapissée de canaux minuscules qui sont liés les uns aux autres pour former un réseau polygonal, dont l’aspect ressemble aux fissures que forme une boue desséchée… Selon des biologistes de l’Université de Genève, ces minuscules crevasses servent à réguler la chaleur corporelle des éléphants d’Afrique. En effet, la peau de l’éléphant d’Afrique pourrait stocker jusqu’à dix fois plus d’eau qu’une peau lisse…

L’éléphant d’Afrique se baigne régulièrement et prend des bains de poussière pour se protéger du soleil et des parasites. Quant aux défenses de l’éléphant, elles sont des dents hypertrophiées. Elles pèsent jusqu’à 60 kg et peuvent dépasser 3 mètres de long… En mouvement perpétuel une grande partie de la journée, l’éléphant se déplace afin de trouver de la nourriture. En fait, il passe les deux tiers de sa journée à chercher de la nourriture, et le dernier tiers à dormir soit debout ou soit allongé.

Pour garder une peau saine, les éléphants d'Afrique prennent des bains de poussière. La poussière agit comme un écran total et protège la peau des rayons du soleil.

Bien que les éléphants soient ancrés dans notre imaginaire collectif (merci Disney) comme étant des animaux gentils, il ne faudrait pas oublier en visitant le parc que l’éléphant des savanes est le plus lourd mammifère terrestre. Et que ces pachydermes pesant plusieurs tonnes (ils sont plus lourds que 6 voitures) peuvent parfois se montrer agressifs. D’ailleurs si un éléphant charge, c’est le moment de déguerpir au plus vite… car même si les éléphants ne peuvent pas vraiment courir (ils doivent toujours avoir un pied posé par terre, en raison de leur poids), ils sont capables de marcher vite jusqu’à une vitesse de 20 km/h.

Un rhinocéros s’avance lentement dans la savane. Il est aisément reconnaissable avec son corps massif, ses jambes grosses et courtes et ses deux cornes.

Qu’aperçoit-on à l’horizon ? Ne serait-ce pas un autre mammifère de la catégorie « poids lourd », cousin de Rocky le Rino, qui approche lentement mais sûrement dans notre direction.

« Mais qui est ce Rocky le Rino dont tu nous parles là ?
Et bien je parle de Rocky, le personnage du livre de la Jungle
de Rudyard Kipling, paru en 1894.
Je le connais pas moi ce Rocky et pourtant j’ai vu au moins trente fois « Le livre de la Jungle » en DVD
Ok, laisse tomber de toute façon il a été supprimé du dessin animé à la demande de Walt Disney…
 »

Moteur coupé (comme la séquence du dessin animé), nous attendons patiemment que ce mastodonte se rapproche pour étudier de près sa lèvre supérieure. Pourquoi sa lèvre vous demandez-vous ? Parce que nous avons une folle envie de savoir si nous avons devant nous un rhinocéros noir (ou rhinocéros à bouche pointue) ou un rhinocéros blanc (ou rhinocéros à bouche plate). Ha, ha parce que bien sûr, ce serait trop facile: le rhinocéros blanc n’est pas blanc, mais gris, tout comme son cousin le rhinocéros noir qui lui n’est pas noir, mais gris. Vous me suivez ? Mais pourquoi diable appelle-t-on les deux espèces de rhinocéros « noirs » ou « blancs » alors qu’ils sont gris ? A priori à cause d’une erreur d’interprétation du mot Afrikaans « wid », qui veut dire large, et qui désigne le rhinocéros à bouche plate. Les anglo-saxons l’ont malencontreusement traduit en « white », c’est-à-dire blanc… Quant au rhinocéros noir comme il passe beaucoup de temps à se rouler dans la boue, cela lui donne un aspect plus foncé… On l’a donc appelé rhinocéros noir.

Le rhinocéros noir (ou rhinocéros à bouche pointue) n’est pas noir, mais gris. Il passe beaucoup de temps à se rouler dans la boue, ce qui lui donne un aspect foncé

Le rhinocéros blanc est herbivore. Sa lèvre supérieure et sa mâchoire de forme carrée lui permettent de brouter facilement. Le rhinocéros noir est quant à lui phyllophage, c’est-à-dire qu’il consomme des feuilles, des bourgeons et des rameaux. Sa lèvre supérieure de forme crochue lui permet d’attraper les feuilles qu’il mange. Autre caractéristique distinctive entre le N&B: le petit du rhinocéros noir marche derrière sa mère, alors que celui du rhinocéros blanc marche devant. C’est pour cette raison que les petits rhinocéros noirs sont régulièrement attaqués par les hyènes et qu’ils ont souvent les oreilles déchirées à cause de ces attaques.

 

Les rois et reines du parc d’Etosha

Parfois des rencontres changent votre journée! Sa majesté Simba le lion, roi des animaux est le plus grand carnivore d’Afrique. Il est reconnaissable à sa magnifique crinière, le plus souvent brun foncé, qu’il perd pendant quelques semaines une fois par an (hé oui, le lion mue et sa crinière git… donc il mugit, non ?). Les lions se classent en seconde place des plus grands félins après le tigre. Avec leurs pattes puissantes et musclées, ils peuvent briser les os d’une proie d’un seul coup de patte ! Cependant, ils préfèrent souvent étouffer leurs proies en les prenant à la gorge avec leurs puissantes mâchoires. Mais la plupart du temps le lion ne chasse pas, le lion se repose: il dort en moyenne 15 heures par jour !

Féline et attentive au moindre mouvement, la lionne se fond dans le décor grâce à son pelage ocre qui se confond avec l'herbe.

Ce sont le plus souvent les lionnes, plus menues (mais musclées !), qui s’occupent de chasser, le rôle du mâle étant de protéger le territoire contre les intrus. Leur technique de chasse consiste à s’approcher à plat ventre de leur proie, cachées par les hautes herbes, puis de passer à l’attaque de façon coordonnée. Pulvérisant le record de Usain Bolt, ces félins peuvent courir le 100 mètre en 5 secondes… Et ce sont les femelles qui sont les plus rapides à ce sport. Quant au record du saut en longueur détenu par l’américain Mike Powell, il est aussi largement battu puisque les lions peuvent faire des bonds de 11 mètres de long et jusqu’à 3,7 mètres de haut. Côté vocal, le lion ferait pâlir d’envie n’importe quel chanteur d’opéra puisque son rugissement dépasse les 115 décibels sachant qu’une voix s’opéra peut atteindre au maximum 120 dB…

 

Sophie la girafe: une curiosité de taille à Etosha

Qui n’a pas été en contact dès son plus jeune âge avec Sophie la girafe ? Créée en 1961 par la société Delacoste, cette girafe en caoutchouc de 18 centimètres de hauteur est le jouet pour nourrissons incontournable. Je suis sûre que vos sens sont à nouveau en éveil rien qu’à son évocation… Rappelez-vous son délicat toucher avec ses parties en relief, son magnifique aspect avec ses couleurs contrastées, le son inimitable de son sifflet ou le goût de son caoutchouc naturel… Mais bien avant la naissance de Sophie, la girafe fascinait déjà l’homme à travers l’histoire. De très anciennes peintures rupestres mises à jour dans le désert du Sahara représentent des girafes attaquées à l’arc et à la lance par les indigènes. Quant à Jules César, il fit de la girafe un symbole de ses conquêtes africaines. Et au 15ème siècle, les princes florentins comme l’empereur de Chine agrémentaient leurs jardins de girafes… Accueillie en grande pompe à Marseille, la première girafe de France (renommée plus tard Zarafa) a été offerte au roi Charles X par le pacha d’Égypte. Elle parcourt Paris-Marseille, 880 kilomètres à pattes en 41 jours, pour être officiellement présentée au roi le 9 juillet 1827. Ce cortège atypique déclencha même un vent de folie, une véritable «girafomania»: on compose des poèmes, on fabrique des gâteaux en forme de girafe et la mode vestimentaire vire aux couleurs jaune et brun…

« La Girafe destinée au roi de France fut embarquée pour Marseille sur un bâtiment Sarde: elle eut à souffrir quelques mauvais temps ; néanmoins elle se remit très-promptement; et près avoir satisfait, elle et ses serviteurs, aux lois de la quarantaine, elle entra dans Marseille le 14 novembre 1826. M. le préfet, comte de Villeneuve, la plaça dans des dépendances de son hôtel, et lui fit donner des soins qui furent efficaces : car elle n’a cessé de jouir, durant son séjour à Marseille, de la meilleure santé »
Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Quelques Considérations sur la Girafe, 1827

Découvrir « pour de vrai » ce grand et bel animal, avec son pelage unique tacheté, ses yeux noirs de biche et sa langue bleue est un moment fort de notre safari. D’ailleurs, elle mérite le titre de reine de beauté incontestée de la savane tant la girafe semble se pavaner devant l’objectif comme un mannequin dans un défilé de mode.

L’air hautain, la girafe se promène dans la savane et arrache d’un coup de dent des feuilles d’arbres qu’elle est la seule à pouvoir atteindre.

Le plus grand mammifère terrestre est facilement visible à l’horizon. On devine sa silhouette élancée et son allure gracieuse bien avant de voir son pelage jaune ou blanc tacheté de roux ou de noir. L’air hautain (ah, ah c’est vraiment le cas de le dire) elle se promène dans la savane et arrache d’un coup de dent des feuilles d’arbres qu’elle est la seule à pouvoir atteindre. La girafe peut atteindre les 5,50 mètres voire les 5,80 mètres pour les plus grandes. Sur le haut du crâne se trouve deux cornes, appelées des ossicônes (appendices osseux recouverts de peau). S’ils sont poilus chez la femelle, ils sont presque complètement nus chez les mâles en raison des combats (appelés « necking ») qu’ils se livrent entre eux.

Mais c’est son cou vertigineux qui retient toute notre attention, car c’est un cas unique dans le monde animal. Ce cou comporte, comme celui de tout mammifère, sept vertèbres. Ces vertèbres de 40 centimètres chacune fascinent encore les physiologistes, y compris ceux de la Nasa qui utilisent la girafe pour étudier l’effet de la pesanteur sur la circulation sanguine. Comme pour les rayures du zèbre, le cou des girafes a été l’objet de bien des spéculations. Pourquoi les girafes ont-elles un cou si long ? Si la théorie de l’évolution prétend que le cou des girafes a poussé pour s’adapter aux conditions, la découverte de fossiles de giraffokeryx (l’ancêtre de la girafe) vivant il y a 5 millions d’années a complètement fragilisé cette théorie. En fait, le giraffokeryx possédait un cou tout aussi long que notre girafe moderne… Comme pour les rayures du zèbre, la nature refuse de lever le voile sur le mystère de ce cou interminable ! Quoi qu’il en soit, l’évolution a dû avoir une bonne raison d’en arriver là, non ? Une autre hypothèse évolutionniste est discutée aujourd’hui pour expliquer ce caractère: les femelles préféreraient les mâles à grand cou… No comment ! Histoire de tordre le cou aux idées reçues, je préfère m’en tenir à cette mignonne légende qui raconte….

« Il y très longtemps, une foule d’animaux vivaient dans l’arche de Noé: des lions, des girafes … et des oiseaux, des papillons, des escargots … Tout ce beau monde s’entendait très bien. Toutes les familles animalières étaient assignées à des tâches sur l’arche mais la famille des girafes ne faisait pas très bien son travail, et le roi lion était furieux. Aussi le lion ordonna-t-il à la girafe d’aller installer des drapeaux tout en haut d’un grand mât. C’était un travail bien difficile, car le mât était vraiment très haut. Alors tous les animaux aidèrent la girafe. Tous ceux qui pouvaient voler lui étirèrent le cou. Les autres firent beaucoup d’efforts pour allonger ses pattes… Et c’est depuis ce jour que les girafes ont des grandes pattes et un long cou ! »

Grâce à sa longue langue musclée de couleur « Schtroumpf » qui peut mesurer jusqu’à 45 à 50 centimètres, elle ne craint pas les piquants des acacias: jeunes pousses gorgées d’eau, feuilles, fruits, brindilles, cosses, la girafe mange en moyenne 30 kg de végétaux par jour ! Son mets préféré reste les feuilles d’arbres de l’acacia erioloba appelé pour cette raison « arbre à Girafe ». Comme l’éléphant, elle ne cesse de se déplacer pour trouver sa nourriture et parcourt de longues distances tout en ruminant. Et oui, les girafidés ont probablement un ancêtre commun avec les bovidés car la girafe régurgite les aliments imprégnés de salive et de sucs digestifs afin de les mastiquer en plusieurs fois.

Beaucoup de girafons ou girafeaux vivent dans la savane d’Etosha avec les autres girafes. La girafon est grand déjà à sa naissance et son cou est déjà bien long.

En comparaison de nos amis félins gros dormeurs, la girafe dort très peu: en moyenne 2 heures par jour ! Elles font rarement des siestes de plus de 20 minutes et dorment profondément pendant quelques minutes seulement. Adulte, une girafe n’a pas beaucoup de prédateurs dans la savane. Elle ne craint que les lions avec lesquels elle peut rivaliser à la course puisqu’elle peut galoper à 55 km/h en pointe. Les girafons qui échappent à la surveillance de leur mère constituent des victimes plus aisées pour les prédateurs. Environ 50% d’entre eux tombent sous les crocs ou les griffes des prédateurs… Comme dirait une femme de lettres québécoise :

« La vie est parfois bien cruelle. La mort aussi. L’une ne va jamais sans l’autre… Qui vit meurt, c’est une loi de la nature ! »
Françoise Dumoulin-Tessier

Si à sa naissance le girafon mesure environ 2 mètres et pèse entre 40 et 80 kg, la mise bas est déjà un danger en soi. Le girafon tombe de près de deux mètres de haut et peut potentiellement se blesser notamment se briser la nuque, même si cela reste rare. Généralement, le girafeau n’a pas l’air de souffrir de cette chute et il se dresse sur ses quatre pattes tremblantes 5 à 15 minutes après la naissance.

Une atmosphère presque pure nous donne un coucher de soleil orangé. L’astre solaire joue à cache-cache avec le feuillage d’un acacia.

Le soir tombe sur ce sanctuaire animalier. Un calao à bec rouge perché sur sa branche nous regarde quitter le parc, à regrets: Kwa heri ! (Au revoir en swahilie). A nouveau les couleurs dansent, tournoient, virevoltent comme un ballet au rythme de la musique de la nature, une musique de fin qui clôture la découverte du parc national d’Etosha. Clic-clac, on gardera cet autre instantané d’un magnifique soleil orangé dans la savane.
 

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