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Qu’est-ce que le Plateau du Waterberg ?

Le Waterberg est un immense plateau constitué de roches rouges situé à 60 kilomètres à l’est de Otjiwarongo et à 300 kilomètres au nord-est de Windhoek, la capitale de la Namibie. Le parc est un lieu sauvage et verdoyant au sein duquel un écosystème rare s’est développé. En effet, ce parc national a été créé en 1972 afin de protéger les espèces en danger des régions du Kavango et de Caprivi telles que l’hippotrague noir, l’antilope rouanne, le buffle ou encore le rhinocéros noir et le rhinocéros blanc. Les falaises du plateau abritent aussi les uniques sites de reproduction des vautours du Cap du pays. Il ne faut cependant pas oublier que dans le cul-de-sac du plateau du Waterberg, a eu lieu un véritable génocide, non pas animalier mais humain, il y a bientôt 114 ans. Le général allemand Lothar von Trotha, que ses hommes surnommaient le Requin, lança une attaque surprise contre les résistants Herero alors que cette ethnie de bergers nomades (avec femmes, enfants et bétail) dormait encore sous les tentes… Cet affrontement totalement déloyal, à une heure indue et en incluant familles et bêtes dans le combat, ne fit pas de quartier ! Une légende raconte que, le lendemain des combats les vautours moururent aussi…mais d’indigestion et que depuis le matin du 11 août 1904 où furent massacrés des milliers de résistants Herero par l’armée du Kaiser Guillaume II, la terre du champ de bataille a conservé des teintes d’hémoglobine. C’est une légende bien sûr, car la terre du Waterberg est rouge à cause de sa teneur en fer et en bauxite… mais qui sait ? Le mieux est d’aller vérifier tout ça en personne, alors cap sur le plateau du Waterberg !

Le phacochère est un animal d'aspect bizarre qui fait partie de la famille du sanglier et du cochon. Il porte deux cornes relevées vers le haut pour se défendre

 

Comment se rendre au Waterberg ?

Il faut compter trois heures de route depuis la capitale namibienne Windhoek (prononcer « Wintouk »), pour rejoindre la nature sauvage du Waterberg. Une fois passé les montagnes Omatakos qui ressemblent aux délicates fesses d’une femme (le nom « Omatakos » en langue Herero signifie littérallement « fesses »), le paysage jusque-là plat et désertique commence à changer progressivement. Des panneaux routiers « attention phacochères » fleurissent le long de la route C22 en direction d’Okakarara, tandis que l’on distingue de nombreux petits animaux trapus en train de creuser sur les bords de route. Soudain, la queue redressée comme une antenne radio (sûrement connectée à radio savane africaine), une famille de phacochères décide de traverser ladite C22… sans doute pour aller voir si l’herbe est plus verte (enfin plutôt jaune) de l’autre côté ! Le plateau du Waterberg tout en longueur apparaît alors sur votre gauche, avec ses falaises escarpées et colorées, son sommet érodé et sa végétation abondante. Ce plateau s’étend dans une direction sud-ouest vers le nord-est sur 48 kilomètres. Sa largeur varie entre 8 et 16 kilomètres et s’élève à 220 mètres au-dessus des plaines. Ce joyau caché d’une superficie de 405 km2 est un site naturel exceptionnel abritant une faune rare dont certaines espèces en voie de disparition. Le plateau est constitué de grès rouge poreux d’Etjo qui donne à ses falaises abruptes une couleur flamboyante. L’humidité est absorbée par la roche ou coule le long de celle-ci, devenant des sources qui s’écoulent à la base du plateau, d’où le nom de « Water » (eau) « Berg » (plateau).

Le plateau du Waterberg semble tout en longueur, avec ses falaises escarpées et colorées, son sommet érodé et sa végétation abondante

 

Randonner dans le Waterberg pour découvrir un écosystème unique

« Toc, toc, toc… Knock Knock » : chacun connaît le bruit qu’il fait avec son bec quand il cogne contre les troncs d’arbres, le célèbre Woody Woodpecker. Ce Woody le Pic (au Québec) ou Piko le pivert (en France) n’est sans doute pas le personnage de dessin animé créé par Walter Lantz en 1940 mais sûrement un lointain cousin, qui nous dit « Wa penduka » (bonjour en langue Herero), il est l’heure d’admirer le lever du soleil. Ce matin, une troupe de babouins rode à la recherche d’un petit-déjeuner que des campeurs imprudents auraient laissé malencontreusement sans surveillance quelques secondes… Pendant que certains babouins chipent quelques friandises çà-et-là, d’autres se contentent de bâiller (réveil difficile après une nuit agitée ?), exposant leurs canines, l’air presque féroce. Après ces quelques singeries matinales, il est temps de partir pour la courte ascension du plateau du Waterberg. Dès le début de la balade, on a le sentiment d’avoir franchi une porte invisible pour pénétrer dans un royaume secret de la nature où la végétation dense vous enveloppe de toute part. Un dik-dik de Kirk avec sa croupe argentée nous surveille depuis un bosquet d’arbres envahi par des oiseaux. Cette antilope miniature qui mesure 30 à 43 centimètres au garrot et pèse seulement 3 à 5 kilos, tient son nom du bruit qu’elle fait lorsqu’elle est en danger. Elle possède un nez et une lèvre supérieure allongés en forme de trompe, lui donnant un peu le profil d’un tapir. Cette extrémité est très mobile, et l’animal peut l’orienter en tous sens… Après une longue observation immobile, le dik-dik se précipite soudain et disparaît dans l’ombre des arbres et des arbustes des bois. Nous continuons de notre côté sur le sentier rocailleux, le long des parois escarpées, évoluant au milieu de roches érodées multicolores et d’un enchevêtrement d’arbres: un décor splendide sûrement façonné par des dieux montagnards bienveillants ? Un dernier petit raidillon mène au sommet du plateau du Waterberg. Après une ascension agréable d’une quarantaine de minutes, nous arrivons au sommet, à Mountain View où l’on se tient au bord de la falaise avec une vue saisissante sur la savane infinie du Kalahari, monotone, plate, juste rayée par les pistes rectilignes. Aucune habitation en vue, aucune aspérité ne retient le regard…

Le dik-dik de Kirk possède un nez et une lèvre supérieure allongés en forme de trompe, lui donnant un peu le profil d'un tapir

 

Découvrir la flore du du plateau du Waterberg

Rassasiés de ce paysage infini, je me suis arrachée à sa contemplation pour partir à la découverte du plateau de grès rouge et de son abondante végétation. Les feuillus de couleur gris-verts contrastent avec les rougeurs des roches qui surplombent la plaine. Certains arbres semblent littéralement suspendus aux parois orangées, d’autres se tiennent au bord du précipice tandis que d’autres encore, comme ce figuier sauvage, enveloppent délicatement la forme d’un rocher lui donnant une chevelure feuillue épaisse et irrégulière. Sur ce cœur de pierre, on pourrait presque imaginer les divins bras de la nymphe Daphné ? La végétation du Waterberg est luxuriante, dense et très diversifiée: on y dénombre environ 500 espèces de plantes. Le plateau constitue un véritable réservoir pour les plantes endémiques, pour différentes espèces d’acacias (dont l’acacia mellifera), de lilas, de saules pleureurs et pour de nombreuses variétés de lichens. Cette luxuriance végétale contraste encore et encore avec l’aridité du désert du Kalahari. Lorsque les dépressions rocheuses du plateau se remplissent d’eau pendant la saison des pluies, des plantes aquatiques et même des tortues font leur apparition ! Les couleurs de ces falaises sont absolument somptueuses, proposant une gamme de rouges flamboyante grâce au grès qui le constitue. Les termitières géantes que l’on peut y croiser sont de véritables chefs d’oeuvre architecturaux. La faune n’est pas en reste puisque nous croisons une famille de mangoustes rayées, aisément reconnaissables aux rayures transversales qui ornent leur fourrure. Tout en cherchant leur nourriture, les mangoustes rayées gardent le contact entre elles en pépiant sans cesse… un vrai poulailler’s song ! « De bleu de bleu » ne serait-ce pas un Choucador de Meves là-bas en train de picorer quelques termites, fourmis ou autres scarabées ? C’est sûr, le Waterberg Plateau Park peut offrir d’incroyables spectacles naturels et animaliers uniques et ce n’est qu’un avant-goût…

A Mountain View, au bord du plateau du Waterberg, on a une vue saisissante sur la savane infinie du Kalahari, monotone, plate

 

Découvrir la faune exceptionnelle du plateau du Waterberg

Passons au plat de résistance c’est-à-dire à la découverte de la faune exceptionnelle de la réserve naturelle du Waterberg. Etant donné la fragilité de l’écosystème et les dangers que représente la faune sauvage, seulement une partie de la réserve est accessible depuis 1989 et cet accès est régi par des règles strictes. La section du plateau n’est pas accessible avec son propre véhicule mais des excursions guidées en 4×4 sont proposées tôt le matin et en fin d’après-midi. Avec ses savanes d’acacias sur les plaines et les boisements sur les hauteurs, la région abrite une diversité d’habitats naturels. Les babouins vivent sur les rochers autour du plateau, tandis que les buissons des pentes abritent des dik-dik, des damans et autres phacochères. Si cette partie de la faune joue à cache-cache dans les buissons, une autre partie la survole: le parc abrite plus de 200 espèces d’oiseaux dont les vautours du Cap et l’aigle noir. La savane d’arbres et d’arbustes du plateau abrite notamment des girafes et leur girafon, mais aussi des élans du cap (Tauretragus oryx) avec leur fanon entre la gorge et la poitrine. Ils sont considérés comme l’une des plus grandes antilopes d’Afrique. Avec son allure de bovin domestique et en dépit de son apparence pataude et massive (de 275 à 400 kg pour la femelle et de 450 à 800 kg pour le mâle, parfois la tonne), l’élan du Cap court très vite malgré son poids ! La femelle (deux fois moins lourde que le mâle il faut bien le souligner !) peut attendre une vitesse maximum de 68 km/h et faire des bonds de plus de 2 mètres de hauteur même sans… élan, ha, ha ! L’élan du Cap se nourrit en sélectionnant les pousses et les feuilles les plus nourrissantes en arrachant les feuilles avec ses lèvres et en brisant les branches après les avoir tordues à l’aide de ses cornes… Plutôt malin, non ? Une autre magnifique antilope est présente sur ce plateau du Waterberg, aisément reconnaissable à son pelage (noir chez le mâle et brun foncé chez la femelle) et à sa face marquée de blanc sur les côtés (une ligne noire court du front jusqu’au museau). L’hippotrague noir (Hippotragus niger) ou Antilope des sables n’est pas vraiment une antilope puisqu’elle n’appartient pas à la famille des antilopes mais des bovidés… Pesant en moyenne entre 200 et 270 kg et mesurant environ 2,25 mètres de long, les hippotragues noirs sont coriaces et robustes, et continuent à se défendre même lorsqu’ils sont à terre. Si la femelle est un peu moins imposante que le mâle en taille et en poids, elle est aussi dotée de magnifiques longues cornes annelées recourbées vers l’arrière.

Les cornes du buffle mâle sont très particulières car fusionnées à la base, formant un bouclier d’os continu appelé patron

Si le long des pistes sablonneuses du plateau, on découvre les animaux au gré de leur déplacement, les points d’eau restent le lieu privilégié de leur rassemblement. Le buffle d’Afrique (Syncerus caffer) doit boire quotidiennement et dépend donc des sources d’eau pérennes. Sous ses allures de vache exotique, avec sa robe brune presque noire, le buffle d’Afrique se révèle un animal très dangereux… A la moindre alerte, les mâles n’hésitent pas à charger à une vitesse pouvant atteindre 57 km/h ! Les cornes du buffle mâle sont très particulières car fusionnées à la base, formant un bouclier d’os continu appelé « patron ». À part les humains, le buffle d’Afrique a très peu de prédateurs naturels. Il est parfaitement capable de se défendre, voire même de tuer, un lion. C’est pourquoi il faut généralement plusieurs lions pour chasser avec succès un buffle adulte… La chasse au buffle était autrefois un sport et un acte de bravoure [sic]. C’est par exemple en décembre 1933, qu’Ernest Hemingway tue ses premiers buffles en compagnie de son ami originaire de Key West Charles Thompson. Dans un récit autobiographique « Les Vertes Collines d’Afrique » (Green Hills of Africa), publié en 1935, Ernest Hemingway décrit sa rencontre avec un buffle:

Il y eut un grognement chuintant et pas un mouvement dans les roseaux. Puis il y eut un bruit de craquements un peu plus loin et nous vîmes les roseaux onduler à cause de quelque chose qui se ruait à travers eux vers la rive opposée, mais nous ne pouvions pas voir ce qui provoquait ce frémissement. Puis je vis le dos noir, les cornes largement écartées, dressées en pointe et ensuite la ruée rapide d’un buffle escaladant l’autre rive. Il montait, le cou tendu, la tête lourde de cornes, le garrot arrondi comme celui d’un taureau de combat ».

Rapport de taille entre un buffle et une girafe… Incontestablement, les girafes sont les mammifères les plus hauts du monde

Les buffles forment des troupeaux de quelques dizaines à des centaines d’individus mais certains vieux mâles vivent en solitaire: on les surnomme les « dagga boys ». Le mot « dagga » signifie « boue » car ces buffles solitaires ont tendance à se rouler dans la boue pour se protéger des insectes harceleurs. Regroupés en troupeaux, les buffles ne craignent rien ni personne… Pourtant, ils pourraient méditer sur cette petite fable qui n’aurait sans doute pas déplu à un certain Jean de La Fontaine « Le Buffle et la Girafe » :

Dans la savane ensoleillée,
Au milieu de la terre brûlée,
Allait en trottinant,
Un buffle d’Afrique géant.
Gonflé de sa puissance et de sa taille,
Méprisant pour toute la valetaille,
Quoique désespérant de trouver à manger !
Coins et recoins, il devait tout fouiller,
Pour remplir sa panse démesurée.
Sa quête obsédante et effrénée
Le fit douter de ses capacités.
Soudain, au détour d’un monticule,
Une vision géante le rendit ridicule.
Sa vanité en prit un coup,
Mais il avait bien vu, il n’était pas fou !
Perchée sur quatre longues tiges,
Surmontées d’un torse géant
Et d’un cou de vertige
Une girafe ruminante de plaisir,
Cueillait des feuilles tout à loisir.
Que n’ai-je un cou si grand
Se dit le buffle noir ventripotent !
Ravalant son dédain de tout sauf de lui-même,
Il s’adressa à la girafe sereine.
Ce lieu, pour vous Madame, semble en tout point fertile,
Mais pour un buffle d’Afrique, parfaitement stérile.
N’apercevez-vous pas de votre hauteur
Des herbes d’une belle grandeur ?
Ici dit la girafe, l’herbe pousse très mal,
Il vous faudra chercher un autre val.
Mais je ne vois rien dans cette immensité,
De votre perchoir ne pourriez-vous me guider ?
Grande fille, la girafe accepta avec plaisir,
Et conduisit notre affamé
Dans une contrée privilégiée

Quelle que soit sa stature,
Il y a toujours plus grand que soi 
”.

 

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